Le vieil homme et la twingo
Le nez busqué, le menton énergique, un trait annonce l’œil, les sourcils hérissés, les cheveux en bataille. Devant le miroir passe le vieil homme : connu déjà sous le nom du vieil homme à la tondeuse.
L’homme est soucieux. Avec habileté et précision, il place, déplace, remet en place, reprend en main, hésite. Il touche, glisse sa main sur une statuette pour essuyer une poussière. Passe, repasse, puis s’immobilise devant le miroir. Paniqué, inquiet, dans un long soupir il va s’asseoir près de la fenêtre.
A coté une table à tiroirs, une longue-vue. Sa main avec l’habilité de quelqu’un qui sait se saisit du carnet. Un tiroir ouvert… un carnet… trop d’anxiété ! Trop d’impatience ! Trop d’attente ! Il a noté soigneusement les jours, les heures, les mois, assis là, vieux garçon, vieux sensible. Il attend la dame de la twingo garée au bord du trottoir. Alors, il va lorsqu’elle est là ! Il va d’un coté à l’autre de la vitre, s’approche, saisit sa longue-vue, alors ce cœur dur, implacable, cet autoritaire, ce vieil homme qui a construit sa vie, sa maison : l’homme n’absout rien ! Ce cœur oublié s’est pris de passion pour la dame de la twingo. Il apprend peu à peu l’amour, l’amour de la vie, ses yeux s’humidifient.
Le carnet dans sa main tremblante il tourne les pages. Fébrilement les tourne ! Tragiquement douze ! Douze jours sont passés, où, collé à la vitre il attend ! Il attend avec l’insensé et l’immense espoir de voir demain la dame de la twingo…
Liliane Boyrie 2009-10-28