Manie lui téléphone souvent ! Son inquiétude est croissante envers sa petite fille ! C’est une quête permanente de toute la famille d’avoir des nouvelles de Christie, toute la famille s’accroche désespérément au téléphone pour l’entendre. Elle a beau leur dire : ne soyez pas inquiets ! Je viens souvent ! :
Ils ont tragiquement construit leur vie autour de Christie. Navrée, Christie pense qu’ils doivent malgré la distance se disputer encore à son sujet. Aujourd’hui, alors qu’elle est dans une grande incertitude Manie lui apporte le réconfort dont elle a tant besoin. Sa bonne voix l’interpelle souvent… ! : Christie ma petite fille tu as le sourire le plus charmant du monde. Décidemment elle n’arrive pas à se calmer.
Jusque là tout s’était bien passé !
Christie habite un petit studio "un une pièce" depuis deux ans : sa vie avec ses romans, des parents coopérants, elle paie ses factures, son loyer : une vie sans histoires... elle passe ses journées à écrire. Ses parents viennent la voir… ses amis… : une vie paisible. Par chance son ami Tony a son studio sur le même palier. Il est constant dans ses visites malgré l’éloignement. Est-ce dù à son imagination hypersensible qui l’amène à extrapoler sur ce couple et à se retrouver à la même caisse, à la même heure tous les vendredis dans la grande surface depuis quelques semaines… ! Elle connaît des gens qui sont fidèles à une caissière ! elle ne s’est jamais fixée une date précise pour aller faire ses courses, elle n’a jamais cherché à retrouver une caissière spécialement ! Non, mais elle va s’imposer cette discipline curieuse de ce couple. Tracassée, elle va en quelques enjambées de sa fenêtre à son bureau plusieurs fois. « C’est malheureux que des personnages que je ne connais pas, et neutres de surcroît viennent me tourmenter au point de mettre du désordre dans ma vie ! Pourquoi ? : Le studio est petit, commode, pour se distraire elle s’échine, l’arrange. Christie en mettant de l’ordre par-ci par-là s’arrête devant sa lampe de pétrole, la déplace, essayant de mieux la cadrer « trop voyante à son gré » pour en définitive la remettre à sa place : elle revoit Stéphane et Julie, un couple ami charmant, grogne quelques mots à l’encontre de Stéphane en se souvenant de ses remarques désobligeantes envers sa lampe de pétrole.
- Tu devrais t’éclairer avec ta lampe ironise Stéphane : d’où la sors-tu ?
Confuse, se trouvant ridicule, d’un ton sec.
- Je la tiens de ma grand-mère qui la tient de sa mère. Elle ne te plait pas !
- Je l’adore. Je te vois… écrivant laborieusement… très concentrée… les yeux pleins de la lumière de ta chère lampe de pétrole, tu ferais un tableau superbe. Comment pourrais je me moquer ! Les grands Maîtres ont fait des chez d’œuvres avec ces lampes : laisse moi fermer les yeux un instant : je vois Christie, assise à son bureau, écrivant, écrivant inlassablement, méthodiquement avec sa plume d’oie : tiens ! C’est mon futur tableau.
Christie hausse les épaules.
- Arrête d’ironiser.
- Je suis dès plus sérieux. Pourquoi es-tu toujours rétive devant mon envie de te peindre. Elle se revoit lui tournant le dos en haussant les épaules, s’en allant faire un thé. Elle s’était bien gardée de lui raconter les quelques fois où elle s’était éclairée avec sa lampe, insistant malgré l’odeur, la fumée « trouvant romantique! » espérant trouver de nouvelles idées…Mais elle s’est vite découragée préférant l’électricité. Depuis, elle est devenue une décoration. Christie incline la tête de droite à gauche - Elle est bien, là. Respectueuse des traditions elle la garde précieusement, comme un trophée. Afin de bouger un peu elle met de l’ordre, arrange, déplace un tableau. – Tiens, ici j‘en mettrai un. S’asseyant pour jeter un coup d’œil général elle soupire en fermant les yeux. Décontractée elle écoute d’une oreille distraite son petit poste qui égrène les nouvelles. Un dernier regard autour d’elle : devant son réfrigérateur "car elle est gourmande, elle voudrait se corriger ! Mais hélas ! C’est en vain" avec philosophie elle hausse les épaules : c’est bon, pourquoi je m’en priverais ! Devant son frigo qu’elle ouvre, ferme, ouvre de nouveau, et, après une longue méditation « très longue méditation » car c’est très sérieux elle prend un petit fromage blanc sans sucre. Etalée dans son fauteuil, réfléchissant de nouveau à ce couple Christie pense au destin. Les paupières à demi fermées elle se laisse aller la tête vide, somnolant plus où moins. Un rêve la poursuit souvent dans ces moments là, c’est la bonne voix de sa chère Manie admonestant sa fille : elle finira mal ! Elle finira mal ! Tu la gâtes trop Nanette, elle finira mal ! C’est une insouciante ! Toutes ces sucreries ! Prive là un peu. Je la trouve bien rondelette : c’est une guerre incessante entre la mère et la fille. Protégée par ses deux possessives « louves » comme elle les appelle, Christie est bien. Nullement impressionnée par leurs querelles, étonnamment bien, elle est heureuse. Elle les aime ses deux passionnées. Dans leurs guerres incessantes chaque fois les coudes sur la table elle attend que ça passe, pousse un long soupir, puis les interpelle afin de les rassurer : pourquoi tout ce bruit ? Vous n’avez aucun souci à vous faire ! Tout va très bien pour moi, rassurez-vous : je suis quelqu’un d’heureux et de bien équilibré : n’ayez crainte je vous aime tous : comme par miracle tout s’arrange : elle a droit à un bon regard de reconnaissance entaché d’une petite honte. Est-ce sa Manie avec son imagination débordante, est-ce tout ce branle-bas auquel elle est pourtant habituée ! Ces cris auxquels elle assiste impuissante, ces querelles incessantes, ces rabats- joie, toujours est-il que Christie (d’un tempérament plutôt optimiste) est démangée par une bizarre envie : elle veut être romancière. Après beaucoup d’hésitations elle a réuni la famille composée de son père, sa mère, sa grand-mère, sa tante. Tout le monde est aux abois ! Que va-t-il se passer ! Christie repense à ces moments, sourit. L’annonce de partir de leur cocon les a laissé pantois. Ne comprenant rien à ce départ auquel ils étaient loin de penser ils l’on reçu comme une bombe, ils ont tous incliné la tête comme de grands fautifs. Elle dut les rassurer une fois de plus, hélas !