CHAPITRE 4
Effacés ils vont tranquilles, si tranquilles, si vides de substance qu’on les aperçoit à peine.
Ce sont des personnages sans artifices, gentils, sans esbroufes, Théo et Marie vont dans la vie simples et naturels, vraiment identiques vraiment faits l’un pour l’autre, une copie conforme, une vie quiète. Ce qui les caractérise lorsqu’on les voit c’est leur non agressivité, leur gentillesse. Ils se déplacent silencieusement sans éclats de voix, les jours passent paisibles, sereins s’écoulent doucement et, lorsqu’on les connaît leur contacte est si peu agressif qu’on aime leur compagnie sans la rechercher particulièrement, en fond de toile. Ce sont deux gentils personnages qu’on aime fréquenter et même ressembler.
Aujourd’hui le temps est gris, menaçant au loin un grondement sourd, un éclair déchire le ciel obscurci , un autre lui succède puis la pluie tombe, brutale, dure :
- Allume Théo on n’y voit plus rien ça m’a l’air bien pris.
- Comment ?
- Tu allumes : il ne faut pas téléphoner pendant l’orage.
Il tourne en rond observe autour de lui palpe les objets puis les remet à leur place cherche à tuer le temps. Théo s’affale sur le divan un journal à la main. Il lève le nez en réfléchissant profondément ; puis se tourne vers Marie, l’interpelle.
- Tu as lu l’article sur les virus des ordinateurs, c’est très intéressant.
- Non, je ne suis pas intéressée par ce genre de choses. Veux tu du thé ?
- Oui je veux bien, merci.
La pluie redouble de violence ; un roulement de tambour au loin s’amplifie ; l’orage approche gronde de plus en plus fort caverneux; les éclairs sillonnent le ciel ; des grondements sourds, lourds, lointains, quelquefois plus aigus plus stridents, des craquements lugubres sinistres du bout du monde vous nouent l’estomac. Le ciel vous tombe dessus de tous côtés, le ciel est pris. Il n’y a pas un moment de répit seul le bruit assourdissant continu de l’orage ; Théo s’approche de la fenêtre fasciné par le spectacle.
- Sors de la fenêtre, c’est dangereux.
- Impressionnant murmure Théo : Soudain le tonnerre et l’éclair simultanément leur arrachent le tympan, les paralysent, l’électricité s’éteint. Dans le noir ils sont paniqués tétanisés. Paralysés par la peur ils n’osent plus bouger se cherchent dans la lueur des éclairs qui se succèdent se serrent l’un contre l’autre pour se protéger. Les roulements se succèdent avec moins d’intensité puis un silence absolu impressionnant de fin du monde. Marie se palpe, palpe Théo. Quel désastre est il arrivé ? ils se regardent comme des ressuscités : dans un élan ils vont à la fenêtre croyant voir tout dévasté.
- Eh bien, je m’attendais à des catastrophes ! Vraiment j’ai eu peur, attends quelques minutes avant de téléphoner.
Marie relit la lettre de son frère Thomas : c’est inhabituel d’avoir une lettre de Thomas : intriguée elle en fait part à Théo.
- Tu as lu la lettre de mon frère ?
- Non.
- Tu devrais la lire : je la trouve bizarre. C’est pas dans ses habitudes d’écrire, je soupçonne des histoires avec les parents, c’est louche. Théo distrait par la lecture du journal répète mécaniquement, histoires. Marie hausse les épaules, s’approche de lui. .
- Tu m’écoutes enfin : je la lis : Aujourd’hui je vous écris pour vous faire part de mon examen que je passe à la fin de l’année : C’est l’idée de papa, et de maman, surtout papa de me lancer dans les études. La voie tracée par les parents n’est pas celle que je veux suivre. Je pense à vous souvent. Bises à vous deux. Théo pousse un soupir, s’attend au pire, puis philosophe : on verra bien : Théo ne veut aucun soucis, il hausse les épaules, répète : on verra bien.
le temps passe paisible et calme une vie ordonnée, où Théo et Marie sont bien : des vacances chez leurs parents, des sorties avec leurs amis Lucie et Robert.
- Théo ? Nous pourrions téléphoner au Pugé, j’aimerais bien les voir.
- Distrait par sa lecture il ne l’entend que d’une oreille.
Leurs amis sont toujours prêts à les satisfaire : leurs réunions sont joyeuses: Marie copine d’enfance de Lucie cherche toutes les occasions pour la voir. Lucie et Robert sont des amis précieux, démonstratifs et énergiques:
le portable à la main. Je les appelle.
- Robert ? Ah !
- Ca va ?
- Ca va bien.
- Tu es libre dimanche ? « les connaissant bien elle est sans souci car Robert et Lucie sont prêts à annuler un projet pour aller pique-niquer ensemble » C’est bon ? Tu as ton sport… je comprends. J’avais pensé que... Oh ! ne m’interromps pas, que nous pourrions aller pique niquer dans le bois de Vincennes : allons, sois sérieux un peu.
- Pour toi ma chérie je suis libre ( Marie pudique le connaît bien mais elle est sur ses gardes) Tu sais bien chère, fidèle et merveilleuse amie que je pense souvent à toi. : Marie se l’entend dire souvent car Robert s’amuse à la taquiner. Elle ne veut pas comprendre c’est trop fatigant. C’est ainsi…
- Sois sérieux pour une fois, d’après la météo il va faire beau : passe moi Lucie s’il te plaît.
- Tiens la voilà.
- Lucie ? Ca va ?
- Bien
- Depuis longtemps je veux vous appeler, j’ai eu le répondeur plusieurs fois. Je pense à un pique-nique dans le bois de Vincennes Théo parait d’accord mais tu sais avec lui c’est vague, il serait d’accord. Je ne peux discuter sérieusement avec lui, il demande ton avis.
- C’est du beau temps ?
- Oui. On pourrait aller à la campagne ou dans un parc : j’ai besoin de respirer.
- D’accord pour le parc. Lucie connaît bien son amie, sa fragilité l’émeut. La bouillante Lucie aime les sorties actives, sportives. : O. k. Marie : dimanche à Vincennes, rendez-vous au même endroit à treize heures nous ferons notre jogging. Gros bisous.
Théo d’une voix tonitruante lance : d’accord, replonge dans sa revue, impromptu l’interpelle : tu sais à quelle vitesse courent les guépards ? Christie le regarde éberluée, reprenant ses esprits, le regarde dans les yeux (elle veut être sérieuse, quelle question !) réfléchissant très vite : Soixante à soixante dix à l’heure.
- Non, ils peuvent atteindre cent à l’heure et font des bons de cinq mètres.
- Tu vois comme tu m’écoutes : répète ce que je t’ai dit.
- Une sortie avec Lucie. : enfin Théo retrouve Marie.
- Tu es sûre du temps ?
- Oui, parfaitement sûre, et avec un petit air narquois, un regard en coin pour taquiner Théo, s’il fait mauvais nous irons au restaurant ! (C’est le rêve de Théo) .
- C’est vrai j’aimerais aller au restaurant, .
- Faiblard.
: Aujourd’hui dimanche c’est leur jour de pique-nique.
Leur rythme est cassé ils sont énervés vont dans tous les sens. se bousculent quelques éclats de voix, des silences inquiétants, eux si paisibles !
- Si tu m’aidais un peu murmure Marie.
- A quoi ?
- Tu me gènes, je cherche mes lunettes de soleil, tu ne les aurais pas vue par hasard ?
Théo préfère ne pas répondre : des lunettes maintenant ! Alors que tout est à faire ! Marie énervée cherche ses lunettes.
Aujourd’hui il vont au bois de Vincennes : le temps étant un facteur secondaire pour eux. ..
- Tu as vu mes lunettes ?
- Pourquoi tu cherches tes lunettes en ce moment ?
- Si tu les vois tu le dis, je farfouille partout je ne les vois pas..
- Arrête, laisse tomber on les trouvera sans les chercher. Théo ne comprend plus Marie, sa Marie si douce. Ces énervements… cette agitation… sont pour le brave Théo incompréhensibles : il est inquiet.
S’assoyant sur un tabouret pour réfléchir, voyons…vendredi nous sommes allés à la grande surface où… j’ai acheté... sa mémoire lui fait défaut, énervée elle ouvre le frigidaire. Ouf c’est bon calmée elle appelle Théo.
- Je fais comme d’habitude ? Marie énumère le contenu de son frigidaire, Jambon…
- Non, non, non c’est bon. Je te fais confiance. Sans l’écouter elle enchaîne. .
- Saucisson, fromage, tomate, pour le dessert, salade de fruits, cake... « Marie ne tient toujours pas compte de ce qu’à dit Théo » Théo dubitatif en se grattant l’épaule s’approche embarrassé : tout lui convient.
- D’une voix à peine audible, fais ce que tu veux Marie.
- Théo qu’est ce que tu as ? Tu pourrais articuler.
- Fais comme tu veux, voilà deux fois que je te le dis.
C’est chaque fois une agitation qui met Marie hors d’elle car elle doit faire preuve de talents de ménagère ! Des questions… des questions… où il faut une réponse…
Marie retrouve son entrain, avec application elle prépare ses sandwichs au jambon de Paris, emballe ses petits pots, ses fruits. Quant à Théo il s’occupe de sa voiture : c’est le moment de l’inspecter. Son nez à l’intérieur du moteur pour mieux voir, les fesses en l’air il ausculte, rassuré il baisse le capot. C’est un maniaque de la voiture. Quand il s’agit de la voiture tout doit être parfait. Encore une dernière inspection, un dernier regard sur la belle carrosserie qui brille de tous ses éclats, satisfait il revient dans l’appartement.
- Tu devrais charger la voiture, au lieu d’être planté là, à me regarder.
Théo campé devant Marie l’observe. Le grand et brave Théo n’est plus le même lorsqu’il revient de sa voiture alors il regarde Marie, l’observe, inspecte. Marie est totalement ignorante devant un moteur elle a confiance en Théo certes, mais elle n’oublie pas la révision annuelle de la voiture.
Lucie et Robert sont des amis fidèles, malgré des voies divergentes ils se sont retrouvés par hasard à Paris. Marie moins expansive que son amie, plus posée, plus calme s’étonne devant l’appétit de son amie de vivre ; son exubérance est un moteur qui lui recharge ses batteries dit-elle..