Ne plus voir le couple lui parait insupportable. Elle regarde Tony si présent, si vivant, son cœur se serre, ses sentiments contradictoires la déroute. Elle se lève va à la fenêtre : son refuge,
- Je ne suis pas prête pour l’instant Tony : nous avons nos familles à Paris, je voyage avec toi, je suis avec toi à Londres, je suis avec toi partout où je vais, je suis avec toi dans l’avion. Et puis j’ai mon travail, mon éditeur, je t’aime Tony, je t’aime tellement que la distance ne change rien, et, lorsque tu viens nous sommes heureux d’être ensemble, attendons, je ne me sens assez solide. Le temps lourd, la pluie interrompue, l’air raréfié, la respiration est dure. Christie le dos contre la fenêtre apparaît à contre jour immatérielle : Tony est songeur, ses yeux la cherche dans ce contre jour : elle lui paraît si lointaine ! Soudain pris de panique il l’attrape de peur de la perdre : en ce moment il est prêt à faire n’importe quelle concession…
En ce début de matinée Tony les bras repliés sous sa tête fait d’énormes efforts pour se réveiller.
- Aujourd’hui c’est l’anniversaire de ta sœur Clarisse ?
- Oui.
- Comment tu t’habilles ?
- Oh ! Je mets mon costume.
- Bon.
- Accompagne moi ! Ils aimeraient tant te connaître.
- Moi aussi j’aimerais les connaître ! Nous ne sommes pas prêts Tony, je préfère que nous restions en dehors de nos familles pour le moment.
- Comme tu veux.
- Dépêche-toi, tu as vu l’heure !
D’un bond, Tony se lève, jette un coup d’œil sur la glace, d’un geste de main remet de l’ordre dans ses cheveux, d’un bond il attrape Christie la serre contre lui.
- Allez, vas te doucher : Sa poigne est ferme, il insiste troublé, d’un mouvement rageur la repousse. En deux enjambées il est dans la salle de bain :
Aujourd’hui c’est l’anniversaire de sa sœur Clarisse. Ses parents habitent dans le sixième, et il lui faut bien une bonne demi heure pour y aller.
- Vers quelle heure tu reviens.
- Je pense dix sept heures. Qu’est ce que tu vas faire ?
- Je vais t’attendre : non je vais écrire, nettoyer un peu, un petit ménage, tu trouveras nickel en rentrant. J’irai dire bonjour au patron de l’épicerie en bas « il est charmant » : C’est un tunisien, jeune, bel homme, beau, grand, et en plus très sympathique.
- Méchante, tu me rends jaloux.
Malgré le plaisir qu’il a de retrouver sa famille il est préoccupé par l’insistance qu’elle met chaque fois à ne pas vouloir l’accompagner. Il insiste à nouveau.
- Allez… fais un effort. J’aimerais que tu connaisses le mari d’Irène il te plairait, c’est un gars très ouvert, très zen, tu vois, un pince sans rire, plein d’humour. Tu es vraiment trop sauvage, je t’assure que tu serais bien accueillie.
Ses trois sœurs Irène l’aînée, Agathe la seconde, Clarisse la cadette, son père, sa mère, l’attendent chaque fois impatients de retrouver leur grand frère, leur fils.
- C’est bien ainsi : nous aurions des contraintes : je t’assure qu’il faut attendre qu’on soit plus raisonnable. Nous sommes trop fantaisistes pour eux. Ils nous connaîtraient sous un mauvais jour. Sur ce elle l’attrape pour mieux le voir, s’étonne du pouvoir qu’il a sur elle
Allez Tony vas t’habiller.
- O K. Prestement avec l’habileté, la rapidité de quelqu’un qui va au travail Tony se présente parfaitement vêtu devant Christie. Elle le recule, le tourne dans les tous les sens, puis arrange sa cravate, lisse les revers de sa veste, et après l’avoir becqueté plusieurs fois le repousse pour mieux le voir. Houé… ! Tu as assorti ta cravate c’est bien. C’est celle que je t’ai offerte ? Ma préférée. Christie bécote encore son ami l’accompagne à la porte. Nous l’avons acheté en sortant d’une brasserie « après un verre de bière en trop…! Tu te souviens ? je cherche dans quel restaurant nous irons ce soir. Ça te plairait un restaurant à la Bastille, tu verrais l’arsenal.
Je m’en remets à toi Christie.
C’est un appartement cossu dans le sixième arrondissement. Aujourd’hui la famille est réunie pour fêter l’anniversaire de Clarisse ? Monsieur, Madame Burton leurs trois filles Yrène, Agathe, Clarisse et leur fils Tony offrent l’image d’une famille bourgeoise. Dans ce duplex, le salon, belle pièce, en entrant le regard se pose sur une superbe commode Louis XYI, au milieu, une table du même style, autour les chaises assorties. La famille les verres à la main entoure Clarisse : les parents de Tony sont de bons cadres. L’apéritif, le repas, l’animation des conversations, Tony connaît ! De sa mère anglaise il a le flegme : hors des fêtes, des anniversaires il y a toujours des chaises vides. Le temps a passé vite, discrètement Tony se prépare à partir, accaparé par ses sœurs il ne sait comment s’en dépêtrer.
- Tony, Quand ? tu amènes Christie, on aimerait la connaître, cachottier : C’est Clarisse l’espiègle qui le taquine. Tony cramoisi fustige sa sœur du regard, toussote pour se donner bonne contenance, l'impertinente ! Ne sachant pas quoi dire, embarrassé il va vers ses parents pour les saluer, mais le regard affectueux de sa mère le remet de bonne humeur.
- Excusez moi, je dois partir, j’ai rendez-vous avec un collègue à cinq heures. La famille unanimement lui souhaite beaucoup de bonnes choses. Accompagné des œillades de ses démons de sœurs il part, confus.
Le tintement des petits grelots signalent gaiement son arrivée
- Pourrais-tu m’aider à fermer ma fermeture éclair s’il te plait, tu te changes. Moi, je suis prête. Avec la même habileté pour s’habiller qu’il a fait preuve le matin il se présente devant Christie, en jean, col ouvert, chaussures de marche. Christie ébouriffe ses cheveux pour leur donner plus de souplesse.
- Alors ?
- A Bastille. Je veux te montrer quelque chose : c’est beau, tu en auras le souffle coupé. Voyons… il est dix huit heures … le temps d’y aller... : nous aurons le temps de faire un tour avant d’aller au restaurant : c’est bon : tu es bien chaussé, on marche à Paris . j’ai rien oublié… Sac au dos, un dernier regard vers la glace, quelques bisous à Tony : Tu as des tickets ? Christie tâte ses poches entraîne Tony vers la porte. Avec la même vélocité ils attrapent le métro. En descendant du métro à Bastille, Tony est surpris de voir l’arsenal (le port de Paris).
- je ne m’attendais pas à ce spectacle en descendant du métro, étonné, Tony qui ne pense qu’à Christie l’attrape pour la prendre dans ses bras, mais trouvant inconvenant dans le métro il lui file un baiser discret. ils n’entendent pas le bruit des pas derrière eux, Christie le prend par le bras, l’amène vers la sortie.
- Attention où tu mets les pieds. Tu vas voir un spectacle très beau. Depuis qu’ils se sont entendus sur leur façon d’envisager de vivre tout est devenu simple pour eux. Ils descendent à vive allure les escaliers en direction des quais. Ils longent les quais, admirent les bateaux, imaginent leur vie sur le fleuve. Vainement ils essaient d’apercevoir les habitants à travers les hublots. Un peu partout les lampes s’allument, éclairent les intérieurs. Discrètement ils regardent. Tony entoure Christie de ses bras, échafaude des histoires rocambolesques qui font voyager Christie. Ils rêvent de partir, se posent mille questions, et déclarent d’un commun accord qu’ils aimeraient vivre sur un bateaux. Un léger clapotis rompt le silence, une rumeur lointaine sourde , Paris, un frémissement d’eau, un doux roulis. Dans leurs yeux ils vivent de grandes aventures.
- Tu ne trouves pas impressionnant cette vie si différente de la notre.
- J’ai de la peine à l’imaginer.
- Peut être pourrions nous en louer un, Ca me donne envie j’aimerais essayer et toi ? On pourrait se renseigner !
- Ce n’est pas dans nos moyens. .
- Il faudra se renseigner, regarde celui là comme il est beau ; j’aimerais faire une croisière avec. Dans un soupir de découragement elle regarde ces bateaux de rêves… Arrivés au bout du quai ils franchissent un passage interdit aux piétons. Arrivés au bord de la Seine resplendit s’élance vers le ciel Notre Dame ; elle rayonne magnifique dans la pénombre du coucher du soleil.
- Regarde ! elle prend tout le ciel : j’avais envie de te montrer Notre Dame, je voulais qu’on la voit ensemble. Ce soir tu verras le magnifique éclairage. Tony serre Christie contre lui, l’amène vers un banc. Christie rompt le silence la première.
- C’est un endroit isolé qu’il faut trouver. Regarde l’éclairage comme il est beau, tout est en demi teinte, en harmonie. L’éclairage de Paris m’émerveille toujours. Ce sont de grands professionnels, des artistes !
- A Londres aussi tu verrais de belles choses.
- Je n’en doute pas.
- C’est sainte Geneviève là bas ?
- Oui, partout dans nos voyages j’ai pu admirer les éclairages. C’est un beau métier : Christie hoche la tête pour ponctuer sa pensée.
: Ils respirent la douce brise, Christie semble ne plus avoir le souci quasi permanent du couple de la grande surface lorsque soudain sans que rien ne laisse prévoir Tony s’emballe et se met à critiquer l’idée saugrenue de Christie pour ce couple.
- Ecoute : arrête ton histoire de couple, tu vas tomber malade, sois sensée, enfin ! C’est une histoire abracadabrante, qu’est ce que tu veux en faire… Christie est pétrifiée, littéralement sans voix, elle lui murmure : ne recommence pas. En ce moment Tony est le plus malheureux des hommes, il ne sait pas comment se faire pardonner, la tête baissée il est sous le choc.
- Je ne voulais pas t’offenser. Je t’aime tellement ; pardonne moi, je cherchais à t’aider.
- Je dois faire face à mes problèmes, seule. Tu ne me connais pas vraiment. Ma nature est positive, je m’en sortirai, ne crains rien.