16 / 04/ 2012
Il regarde l’heure, la soirée déjà avancé l’amène à prendre le métro, sur le quai quelques personnes, il regarde les publicités puis déplie son journal Le Monde la dernière édition juste achetée, encore trois minutes à attendre, le plie, s’approche de la voie : un bruit de ferraille le fait reculer, à l’intérieur il s’assoit sur un strapontin, quelques stations seulement, il descend.
- C’est toi Eloi ?
- Oui.
Marguerite prépare le repas du soir elle va à sa rencontre.
- J’ai vu Céleste.
- Le carnet de notes de Candide est mauvais demain j’ai rendez-vous avec l’instit. David est plus appliqué. Céleste est toujours aussi terne ? Un brave homme, sans surprises, Clémentine est bien tombée après tout, c’est un fidèle, honnête, il est fidèle à ses amis à elle aussi je suppose, timoré, on peut avoir confiance en lui, pas contrariant, un type fréquentable, un mari souhaitable, tout compte fait hormis le manque d’intérêts qu’il suscite il est fréquentable. J’aime bien Clémentine paisible, tranquille, les années ne la marquent pas, tu as remarqué elle n’a pas de rides.
- Vous venez de faire un profil de Céleste très riche, jusque- là vous l’ignoriez gentiment, c’est surprenant l’intérêt que vous lui portez soudain, moi j’ai de la sympathie pour lui, nous nous entendons bien sur certains points, il s’informe de la politique des expositions, de la mode féminine. Je le croyais hermétique mais pas du tout, il s’ouvre à l’histoire de notre société et tout ça avec un ton badin, c’est extrêmement curieux de voir comme il peut être différent : Tenez, par exemple aujourd’hui il m’a démontré comment une jeune fille fait pour séduire un homme, Une fille de son bureau le cherche apparemment il est indifférent dit-il, sa manière de raconter est si burlesque qu’il a réussi à m’amuser.
- Et vous ?
Ma nature est ténébreuse, sombre, vous m’imaginez faire le beau devant une femme, vous croyez qu’il m’ait possible de chercher à séduire quiconque, il me manque l’essentiel, la bonté du cœur.
- Quoi ! La bonté du cœur !
Vous me connaissais allons vous savez le mépris que je porte aux êtres qui m’entourent.
Non, vraiment vous me surprenez je vous savais égoïste, vaniteux indirectement sans scrupules mais là vous exagérez, votre opiniâtreté, votre patience ! Au fond vos défauts par des concours de circonstances inexpliqués, bien que vos désirs soient flous, incertains hésitants font de vous un homme touchant ! Maman qui n’arrête pas de vanter vos mérites, vos connaissances intellectuelles et bien d’autres encore s’empare de votre personnage pour m’assaisonner du breuvage de vos qualités dont je dois être assurée qu’elles sont les meilleures du monde et dont elle fait l’éloge autant qu’elle peut partout où elle va à qui veut l’entendre, faisant l’éloge de son gendre à ses amis ceux qui ne le sont pas, et, qui s’en gargarise au fond du gosier de peur de les avaler.
- Mais, ma chère vous brossez spontanément le portrait de votre mari monsieur de Risquetou mais, toutefois, je constate que vous avez montré beaucoup d’intérêt pour ma personne, j’en suis flatté : ma grand-mère m’a souvent parlé de feu mon père dans ces termes d’où la grande reconnaissance qui j’aie à son égard mais au fait où est Candide ?
- Candide ! Candide !
Un petit bonhomme pas plus haut que trois pommes se campe devant son père tire sa tête autant qu’il peut pour atteindre la tête de monsieur de Risquetou.
- Oui papa.
- Votre maman Candide m’a mentionné votre désastreux travail ce trimestre-ci, je suis affligé de voir la peine que vous faites à votre chère maman : pouvez-vous m’expliquer ces notes désastreuses, négatives, je lis, enfant indiscipliné, inappliqué désordonné, inattentif. Pourquoi ?
- Chais pas papa.
- Moi je sais Candide, combien de temps restez-vous devant l’ordinateur ? Eloi prend le vouvoiement pour éloigner toutes faiblesses. Etonné, surpris par son bambin, ses annotations le laisse rêveur. Vous avez des réussites étonnantes avec votre ordinateur, donnez-moi les raisons de ce mauvais travail Candide, le regard sévère, froid de son père glace Candide.
- Pa…Pa…, Les larmes aux yeux qu’il papillote plusieurs fois, baisse la tête mord ses lèvres, grimace son visage dans tous les sens, la relève implorant la pitié
- P, pa.pa chais pas
- Bon écoute moi bien, tu attends un instant, ne bouge pas
Eloi et Marguerite se concertent plus loin sur le cas difficile de Candide : après s’être mis d’accord ils reviennent.
Marguerite prend la parole
- Ton père et moi sommes mis d’accord pour te donner une heure d’ordinateur par jour. Ton grand père a eu la merveilleuse idée de t’offrir un ordinateur, nous sommes surpris de ta facilité de t’en servir Candide, tu ne vas pas nous mortifier avec ces notes ! Candide tend toujours son cou papillote ses yeux pleins de larmes et, qui, par ses battements de cils semblent donner approbation et réponse aux inquiétudes de Marguerite.
- Qu’est-ce que c’est mortifier ?
- Je traduis : humilier.
- Humilier maman ?
- Tu vois mon garçon, ici nous t’aimons, tu es notre soleil, un papillon qui essaie ses ailes superbement colorées qui voltige un peu partout alors mon chéri pose-toi gentiment pour qu’on puisse t’admirer ;
- Un papillon ?
- C’est un euphémisme Candide, attends d’être grand pour comprendre les grandes personnes Marguerite cherche désespérément du secours vers Eloi, tu dois nous promettre de t’appliquer à bien écouter ta maîtresse, promis ?
- Je promets. Pa, Mam,
- Qu’est-ce que c’est que ce langage Tu dis papa, maman, parle correctement voyons ! Mon Dieu, où prend-il ces manières
Eloi pousse un profond soupir qui semble sortir du plus profond de la terre un soupir de désespérance il regarde Marguerite en hochant la tête : son opiniâtreté dans le travail lui a fait grimper les échelons dans l’informatique mais là il est très embarrassé devant la tâche d’être un père de famille les soucis familiaux lui sont pesants il pousse un autre soupir afin d’évacuer toutes ses pensées néfastes regarde Marguerite s’éloigner vers la cuisine pense à Délice qui lui cause un autre tourment, il s’était habitué à cette vie, aller dans la maison de passe de madame Irène il s’en satisfaisait très bien, l’envoûtement du cadre, l’enivrement des odeurs, le coté douillé, coté pompeux, coté trompeur il l’aimait. Madame Irène la tenancière compétente dans son service, obséquieuse, sans états d’âme, accueillante, compréhensive, joviale un sourire suave, miéleux en bonne Samaritaine toujours prête à soigner les plaies d’un cœur prêt à éclater, sûre de son commerce, sûre d’elle porte le poids de sa maison, ses épaules grassouillettes, belle femme, avenante, l’amie la confidente, madame Irène joue parfaitement son rôle de tenancière d’un bordel comme si y avait eu transmission de générations en générations de cet état est l’incarnation même du métier, épanouie, elle règne. Eloi n’est pas insensible aux charnelles formes de son corps, il aime, et Délice magnifie la maison de passe. Songeur il s’interroge sur la nouvelle vie de Délice. Ces multiples interrogations il va les mettre de côté ! Pour l’instant il préfère aller à l’essentiel cela va lui permette de s’échapper.
- David ! Candide ! Le couvert.
Aussitôt rentrée dans son appartement à la sortie du travail Marguerite libère Corine chargée de chercher les enfants à l’école, les garder. Rapidement elle s’informe si tout va bien, rentre harassée. Tous sont contents de se retrouver.
- Ils ont été sages Corine ?
- Charmants madame, au revoir madame à demain.
C’est avec un cerveau plein de chiffres qui hésitent à disparaitre et dont elle n’a pas la parfaite maitrise tant ils sont habiles à vouloir la torturer pendant des heures que prisonnière d’eux les préoccupations de la maison quand elle rentre s’ajoutent, alors sa priorité va vers ses enfants elle les gâte plus qu’il faudrait et elle oublie de les gronder lorsqu’il faudrait. Les zones d’ombre elle ne leur donne pas beaucoup de temps chacun s’installe dans ses tâches, aperçoit l’autre, des ombres vaquent dans les pièces : Marguerite est là c’est bien Eloi est là c’est bien. La nuit va rattraper le jour jusqu’au lendemain et Marguerite ne s’interroge pas sur les longues absences d’Eloi, juste quelques mots d’existence – tu vas bien- tu rentres tard aujourd’hui : une routine et chaque jour davantage Eloi est brisé par l’ennui il travaille jusqu’à la limite de ses forces. Dans la maison de passe de madame Irène en toute innocence il croyait passer des moments anodins sans valeurs affectives, une distraction, une curiosité, une aventure, un besoin de casser son ennui.
Tout lui était familier le parcours éclairé par les boutiques à toutes heures de la journée qu’il regardait avec intérêt .l’habitude lui fit prendre une autre existence et il était allé vers des centres d’intérêts nouveaux ; il regarde autour de lui aussi bien les gens qu’il croise, les boutiques, il retrouve sa respiration sur le chemin qui l’amène chez madame Irène tenancière d’une maison de passe au nom qui se murmure d’oreilles en oreilles. Seule Délice l’attirait mais sa nature humaine faite de calculs était désarçonné : le changement de vie de Délice, l’homme très cultivé le comte de Tourne il est tracassé, il se demande comment est-il possible qu’il ait trouvé dans une maison de passe l’amour avec une très jeune femme surprenante de beauté de délicatesse, Il dut faire un effort pour se trouver à table entouré de Marguerite sa femme ses enfants David, Candide.
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