07/11/12
Il attrape son mobile, c’est son ami Jasmin qui l’appelle pour lui demander s’il est d’accord d’aller prendre un pot avec lui.
Eloi cherche autour un bar où il pourrait s’asseoir. Son humeur est chagrine en ce moment, le désir de Jasmin est de bon aloi. Son dernier rendez-vous avec Délice chez madame Irène lui a laissé un goût amer, son cœur est malheureux malgré l’invitation d’aller chez le comte prendre le repas du soir si bien présentée où Délice eut les mots, la délicatesse où les doigts délicats effleurèrent ses doigts, il touche ses doigts à la recherche des sensations. C’est dans un profond soupir, qu’il comprend son incapacité à comprendre Délice.
Malgré les paroles onctueuses de madame Irène toutes en sensualité, ses rondeurs appétissantes son accueil qui laisse entrevoir tant de bonnes choses, Eloi est triste ; sa très belle Délice lui parait préoccupée, il l’interroge, et malgré ses questions, son habileté, ses mots recherchés avec soin pour ne pas la blesser, ses questions sont sans réponse, Délice s’éloigne vers un autre horizon où la beauté qui rayonne de son corps, la tragédie qu’il lit dans ses yeux le bouleverse ; tant d’amour, tant de sacrifices qu’il aurait fait si Délice n’avait pas eu l’idée saugrenue de vouloir vivre avec le comte. Pourquoi ce drame qui passe comme un éclair dans ses beaux yeux ! C’est dans de multiples incertitudes, des regrets de s’être installé dans des habitudes. Voilà plusieurs mois qu’il ne sait ! Et là, en ce moment il ne comprend plus.
C’est dans le salon d’été choisi par Délice pour mieux se voir dit-elle mieux s’écouter, mieux s’entendre que Délice dans un joli battement de cils lui demanda s’il voulait bien aller dorénavant prendre le thé dans le salon d’été. Il sentit son estomac se nouer, mais, devant tant de gentillesse, quelques petits battements d’yeux qui laissaient Eloi pantois, et devant sa proposition où se dégageait tant de charme, expliquant qu’elle aimerait revivre leurs premiers émois, qu’elle n’aurait seulement pas osé penser des moments si émouvants.
Sur le trottoir dans un moment d’hésitation il s’immobilise, jette un regard autour, la main dans sa poche il part dans de grandes enjambées va prendre au coin de la rue, plus loin un bistrot. Installé dans le coin retiré, il va téléphoner à son ami Jasmin. Le garçon s’amène avec un verre de bière.
Jasmin ? Oui. Quel bonheur de pouvoir enfin se voir ? Je suis seul aussi. D’accord, je peux me libérer. Ah ! Tu es là… Oui je connais, c’est à cinq cent mètres de chez moi. Oui je connais ce bistrot ; Je suis vraiment heureux de te voir.
Il pose son téléphone sur la table, assis dans un coin sombre de la pièce, il tapote la table demande une autre bière. La main habituée pose la chope tout près de l’autre vide, un salue pour remercier, un retour mécanique du garçon vers le comptoir serviette sur le bras.
Eloi pense à son ami Celeste, il regarde sa montre secoue ses épaules, il n’a pas terminé sa seconde bière, hésite à prendre une troisième lorsque la porte s’ouvre sur Jasmin.
Jasmin s’arrête au comptoir commande une bière.
Des accolades musclées, deux jeunes hommes encore, des tapes amicales sur les épaules, Jasmin avec Eloi, Eloi avec Jasmin installés dans un bistrot ici dans un coin de Paris, de rares passants de rares voitures, un bistrot tombé on ne sait d’où, isolé seul au milieu d’immeubles cossus, des balcons sculptés, des étages bien alignés. La porte claque rarement, l’heure n’est pas favorable, c’est un bistrot ordinaire, un morne silence. Installés face à Eloi, Jasmin fait pivoter sa chaise, curieux de voir autour.
- Merci Jasmin d’être venu, si j’ai bonne mémoire la dernière fois remonte aux grandes vacances, nous profitons de notre liberté pour se voir nos femmes et nos enfants sont partis dans leur famille. Notre travail, notre famille, Marguerite tu la connais, appliquée dans ce qu’elle fait, les enfants grandissent, j’ai des nouvelles avec Marguerite, Clémentine et elles se retrouvent pour faire du shopping, je suis dépassé le travail la maison le boulot.
- Eh bien moi, Jasmin se penche un peu plus vers Eloi, moi, figure toi je me fais du bien, c’est ce qu’il faut Eloi, c’est un poids d’être un cadre de haut niveau trop de responsabilités ! C’est usant, notre corps souffre, regarde-toi, je te trouve une petite mine, tu as des problèmes ? Ta petite amie t’a laissé ! Là, tu m’étonnerais, ce n’est pas ton genre : stricte, droit comme la justice, sérieux dans tous les domaines, rigide et pour conclure honnête
Eloi avale avec difficulté sa salive, approche sa main de sa bouche tousse pris d’une quinte de toux prend son mouchoir la voix éteinte.
- Ce n’est rien, j’ai mal avalé, un verre d’eau !
Jasmin se précipite au comptoir revient avec un verre d’eau, Eloi s’étouffe, il le fait avaler gouttes après gouttes puis gorgées après gorgées ce qui remet Eloi d’aplomb
- Eh ! Bien tu m’as fait peur !
- Soudainement ma gorge s’est fermée, je ne pouvais plus respirer ! Heureusement tu étais là !
- Prends du repos Eloi prends du repos suis mon conseil.
- Tu es joyeux, toi !
- Mais oui, fais comme moi, prends une amie, tu la choisis jeune et belle, tu as tous les atouts avec toi, je t’affirme que ça changera ta vie, amuse-toi, suis mon conseil, la vie est belle ! Tu me crois Eloi ! Je te vois si sombre, tu as peut-être quelqu’un, je dois me méfier de l’eau qui dort ; Eloi parle-moi de toi ; Jasmin reprend son souffle. Tu as quelqu’un tu as l’air attaché, tu es un sentimental ! Elle t’a laissé !
- Tu la connais Jasmin, tu l’as vue chez le comte de Tourne.
- Comment ! C’est la sublime jeune femme mademoiselle Délice la future femme du comte. Où l’as-tu connue ? Je me souviens devant tant de beauté j’ai eu ma respiration arrêtée devant une telle beauté, douce, intelligente de surcroit, digne, vraiment digne du titre de comtesse même plus de princesse, alors tu es tombé amoureux de cette inaccessible jeune femme !
- C’est mon amie depuis longtemps.
- Alors ?
- Je la crois malheureuse.
- Avec toi ?
- Non je ne crois pas mais ça rejaillit sur moi. C’est un mystère. C’est curieux comme je suis attaché à elle.
- Et, le sexe ?
- C’est là l’énigme, notre relation continue chaste, nous, nous voyons chastement ! J’ai un désir fou d’elle, et lorsque nous sommes assis dans son petit salon l’un en face de l’autre, son rayonnement, je dirais plutôt son charme, ses mots, la gracieuseté de son être, sa façon de me regarder en papillonnant des yeux m’ôte tout esprit de révolte, j’obéis à ses désirs si heureux d’être avec elle.
- Et, elle ?
- Il y a un drame que je ne connais pas.
- Avec le comte ?
- Oh ! Non, ils sont faits pour s’entendre ! Quel drame ! Quel drame! Pour nous deux !
- Tu devrais en parler à un psychiatre.
- Tu crois ?
- Pourquoi tu es paralysé lorsque tu es devant elle ! Tu as eu des rapports intimes avec elle, quoi de mieux pour avoir le droit de l’interroger ;
- Elle veut retrouver nos premiers émois.
- Tu n’as pas bonne mine, tu devrais la laisser, tu ne peux la voir et tu ne peux pas la laisser.