comme un petit chat elle s'étire, pousse un long soupir constate qu’elle a dormi. Elle veut se secouer, en vain, imprégnée par son rêve elle replonge dans le sommeil. Pendant un bon moment Christie dort d’un sommeil réparateur. Amollie, vide, Christie le dos tassé se réveille péniblement, se traîne vers la salle de bain afin de se passer de l’eau fraîche sur la figure. En soupirant d’aise elle glisse avec volupté son gant mouillé plusieurs fois, la figure rafraîchie ses pensées s’éclairent lui permettent d’essayer de comprendre la condition de vie qu’elle s’est imposée. Elle pense à son destin… si il était en marche vers ce que nous ne soupçonnons pas et qu’on nomme communément la chance, le hasard, si il fallait aider le destin… ! si il y avait un miracle… ! Christie pousse un long soupir sur cette éventualité qu’elle souhaite ardemment. Tout à fait réveillée elle va faire un thé, puis vaillamment se remet au travail.
Cela fait trois vendredis que d’un commun accord « apparemment » ils se retrouvent, s’observent réciproquement à leur caisse respective la 16 et la 17. C’est ce qu’elle cherche, c’est ce qu’elle veut. Elle va attendre pour en parler à Tony, comprendre pourquoi ce couple s’impose à elle avec tant de force, d’insistance.
Assise devant son bureau, la tête appuyée dans ses mains elle essaie de fixer son attention sur sa feuille. Mais envahie par une grande paresse elle est sans réaction : son moral est au plus bas. Sans énergie elle se vautre dans son fauteuil, ferme à nouveau les yeux, cherche, insiste, afin de les retrouver tous les deux. Elle peut en se concentrant bien, les revoir nets et précis comme s’ils étaient là . Ils sont très beaux, d’une beauté parfaite. Elle ne comprent pas, s’interreroge pourquoi elle a tant d’émotion, ne pouvant maîtriser son émotion, elle frissonne. : ils sont si humbles et si beaux tous les deux qu’elle en a le souffle coupé. Stupéfaite elle tente de les garder dans les yeux, s’accroche à eux désespérément avec la certitude à cet instant précis qu’ils seront présents tout le long de sa vie. Ce pressentiment est tel qu’elle se complait dans sa pensée. Prise d’un infini bonheur, troublée, d’un mouvement sec, elle se secoue, se réveille.
Elle va tout faire pour les revoir, elle va s’imposer une discipline bien calculée, se mettre en tête, le jour, l’heure, bien observer leurs habitudes afin de les retrouver tous les deux, les provoquer, les secouer, les obliger à être là tous les vendredis à la caisse 16 à dix-huit heures dans la grande surface. Entre ses romans et ce couple Christie ne sait plus où elle en est. Les mains dans ses cheveux les tire les triture, tente de mettre en ordre ses idées, puis philosophiquement afin de se rassurer elle conclut : c’est juste une vision fantasmagorique après tout ! D’une imagination surexcitée. Glissant sa main sur son front : -Je pourrais peut être en parler à Tony ! Cette question elle la pose souvent ! Mais elle hésite. Tony flegmatique va lui trouver quantités de raisons imaginables pour qu’elle les oublie, lui conseiller de prendre ça comme une fantaisie sans suite, évidemment ! Peut être même, qui sait ! D’aller voir un psychiatre... : Il y a des moments dans la vie où le songe l’emporte sur la réalité et vous amène si loin qu’il y a soudain un grand vide dans votre tête ; quand cela vous arrive vous êtes infiniment bien : c’est ce qui lui arrive en ce moment, malheureusement l’instant est bref. Christie doit faire face : elle va devoir de nouveau affronter les réalités de la vie ! - J’appelle Tony. Son portable dans la main, les yeux fermés, émue, indécise, elle le pose. Il est tard. Son repas avalé elle va faire une pause devant la télévision. N’arrivant pas à fixer l’écran, elle reprend son portable.
- Allô Tony ?
- Christie ?
- J’ai une question à te poser, mais avant je t’embrasse mille fois. Que penserais tu d’une personne prise d’un fantasme : ce fantasme se concrétiserait dans l’enveloppe de deux êtres, un homme et une femme : un couple. Ecoute moi. Tu m’écoutes enfin ! Tu dis rien… ! Je vais essayer de te présenter mon histoire. Figure toi j’ai vu un couple il y a des mois et des mois ! Eh bien je viens de le revoir dans la grande surface où je vais habituellement : tu vas me répondre : il n’y a rien de surprenant à cela de revoir des gens que l’on a vus quelque temps avant. Evidemment tu as raison. Mais voilà ! Tony, c’est que je suis dépendante de ces deux là au point que je recherche ces moments qui sont précieux. Pour l’instant ils sont dans une brume épaisse. Ce qui est bizarre c’est l’impression de les avoir depuis toujours en moi. Un long silence. Allo ? Non ! Ce n’est pas l’histoire de mon dernier roman ! Je te l’ai déjà dit mais tu ne m’écoutes pas. C’est mon histoire Tony ! Je viens de te l’expliquer. Je ne veux pas qu’il y ait de secrets entre nous. Je savais bien que tu ne me prendrais pas au sérieux ; pourquoi cette réticence ! Moi aussi j’ai tenté de m’en amuser…en vain. Tu es mon meilleur allié, surtout ne te fais pas de soucis. Il n’y a ni pistolet, ni couteau à cran d’arrêt dans cette histoire, rien à mettre dans un roman noir ils sont si inoffensifs ! Cette histoire en elle-même est dérisoire…Pourtant elle transforme ma vie, l’embellit. Mille fois merci Tony : oui mon ami, j’espère rester toujours ta plus belle histoire d’amour. Je t’aime. Pardonne mes écarts ! Aide moi à les comprendre Les yeux humides d’émotion Christie respire profondément plusieurs fois, vaillamment elle reprend son travail.
Christie dort d’un sommeil paisible, réparateur : sa conversation avec son ami l’a apaisée. Elle a passé une nuit calme, bercée par de douces rêveries ; son fardeau était trop lourd pour elle seule. Brusquement le bruit du téléphone la réveille, sinistre, machinalement elle prend son portable à peine si elle peut sortir allô ! Tellement sa gorge est serrée.
- C’est toi Tony ? Ah… ! Excuse moi je dors encore : qu’elle heure est-il ? Dix heures, Bien, j’ai dormi pour une fois : puis avec une voix éteinte, ça ne va pas ? Tu as beaucoup pensé à moi cette nuit… mais ne te tourmente pas… Ce couple ? Je ne le vois que quelques minutes dans la grande surface ! Ce que je t’ai dit à son sujet … ! Tu te fais du souci pour rien. Mais pourquoi ? Pourquoi diable t’inquiéter ! Que veux tu que fassent ces deux gentils paumés : ce sont deux gentils paumés… pas de quoi en faire un roman noir tu sais… : Christie en moitié endormi ne trouve plus rien à dire. Tu veux que j’envoie balader tout ça et que je vienne habiter Londres ? Brusquement retrouvant ses esprits : vraiment tu prends mon histoire trop à la légère. Comme je te l’ai déjà expliqué, un vendredi succède à un autre vendredi et chaque fois je vois mon couple. Voilà trois vendredis qu’il est là, fidèle ; c’est extrêmement touchant ! Tu n’as pas idée de ce que j’éprouve en le revoyant … Ne sois pas jaloux ! - Je suis amoureuse d’un rêve ? Peut être… apparemment tu ne comprends pas ! Tu es jaloux d’un rêve alors ? Ce n’est pas raisonnable, (Christie est entrain d’accuser Tony de ne pas raisonner sainement.) ce que j’attends de ce couple ? - Eh bien voilà ! C’est un point d’interrogation : je n'ai pas de réponse pour le moment. Les situations se succèdent identiques toujours les mêmes. Après un long silence qui en dit long sur l’incompréhension entre eux Tony insiste de nouveau pour qu’elle le rejoigne à Londres.
- Je viens samedi soir, tu m’attends à la gare à vingt heures. Je t’aime.
Elle pose son téléphone, hésite, le reprend, puis le pose de nouveau. Soucieuse elle va à la fenêtre, regarde les blocs aux formes monotones : ici un balcon fleuri, là, des fenêtres fermées, et puis, les mêmes fenêtres… les mêmes balcons tout autour... Soudain prise d’hallucinations elle recule : la peur de les voir derrière une fenêtre la fait reculer d’effroi ; devant cette hypothèse Christie recule, effrayée ; comme une fautive elle reprend sa pose en essayant de se rétrécir, scrute avec plus d’attention les fenêtres. Dynamisée par toutes ces émotions d’un pas rapide va vers son bureau. Le stylo court sur sa feuille : c’est l’histoire d’une dame entourée de quantité de chats : un dialogue entre ses chats et ses petits enfants, ses chats et ses enfants, chacun apportant à l’autre mille histoires fantaisistes plus amusantes les unes que les autres ; un conte pour enfant: Elle doit faire des efforts d’imagination : Christie s’amuse de son histoire. Son travail terminé bombant son torse elle pousse un long soupir de satisfaction, va vers son réfrigérateur « sa distraction favorite » l’ouvre puis le referme aussitôt, s’en retourne à sa fenêtre pour respirer la bonne brise du soir. Attrapant son portable elle va prestement vers l’ascenseur, une fois en bas, hésitant, elle se dirige vers un square, attirée par les cris stridents des enfants elle va aller les voir jouer. Au milieu de leur brouhaha Christie se détend, fait quelques pas dans les allées puis s’installe sur un banc, un petit bambin s’échappe de son père, à la vitesse de l'éclair il agite ses petites jambes, s’approche de Christie. Sur la pelouse les enfants jouent, une paix, un apaisement, un bien être. Son portable lui rappelle qu’elle va appeler ses parents. :
- Allo Maman ? Comment vas-tu ! Bien ? Moi, ça va. Je ne viens pas le week-end prochain ; je vais à Londres. : Ce serait impensable de ne pas leur en faire part, ils seraient tellement inquiets tous : Maman, Manie, tante Amandine et Hector son père, tous muets d’inquiétude, isolés dans leurs pensées lugubres…! J’espère que vous n’avez pas besoin de moi ? - Oui je sais ! J’avais prévu de passer. Je te téléphonerai de Londres : n’ayez aucune inquiétude je ne suis pas seule il y a Tony. Comment va Papa ? Manie ? Bien... Toujours solide tante Amandine : elle est passée mercredi dernier sa mine est superbe, son tonus toujours excellent : - je te l’ai déjà dit : je retrouve Tony le week-end prochain à Londres : Tony s’ennuie tout seul , nous sommes conscients des problèmes que l’éloignement nous procure, mais, c’est difficile de faire autrement. Quant à moi, je m’adapte, j’aime ces retrouvailles. Ne te fais pas de soucis chère Maman, tout va bien pour moi ; au fait, j’ai eu Johann( Johann est un ami de la famille. ) au téléphone, il va t’appeler. Je vous embrasse tous les trois, à bientôt. (Christie oublie de dire ses tourments avec son couple de la grande surface …)
Christie se couche tôt, à dix heures. Son pouvoir de récupération est grand, elle dort peu, se lève la nuit, s’interdit de travailler. Elle se délasse, se décontracte devant la télévision, à sa fenêtre où là, elle furète, cherche au loin … : c’est à croire qu’elle recherche ces moments où de sa fenêtre elle guette les lumières à travers les fentes des volets. Toutes les nuits elle arpente son studio, s’attarde devant sa fenêtre pour voir l’ami, celui qui travaille et rentre tard, qui lit, se restaure, le bambocheur, l’insomniaque « son frère d’infortune ! » celle qui travaille à des tâches ménagères… Sur sa droite une lumière, peut-être un étudiant, un enfant qui pleure la maman le console… Des vies cachées… Trois heures du matin, pas une voiture, pas un bruit. Dans ce silence monacal l’oreille tendue elle guette un bruit, un raclement de gorge, une toux, les pleurs d’un nourrisson ; rien. Au loin une lumière apparaît, disparaît : Christie sursaute. Dans les quelques coins de rues où glisse la lumière d’un réverbère un chat rôde parmi les ombres. Elle cherche de nouveau les lumières qui filtrent des volets curieuse de cette vie nocturne. Mélancolique, en soupirant Christie retourne mollement se coucher. Le petit déjeuner la remet rapidement en forme, son petit poste à côté d’elle lui tient compagnie. La table du petit déjeuner est un spectacle. « Christie aime se régaler » Assise devant sa table pleine de bonnes choses elle regarde avant de goûter un peu à tout : ses petits pots de confiture, ses petits croissants miniatures, ses petits pains. Elle hume avec plaisir l’odeur du café qu’elle a préparé amoureusement. Sa table bien garnie est un spectacle qu’elle aime voir tous les matins. Après ce rituel qu’elle adore et ne manquerait pour rien au monde, pleine d’entrain elle commence sa journée. Plutôt menue, sans surpoids, elle s’étonne des remontrances de sa chère Manie devant sa gourmandise ( chère Manie elle s'inquiète toujours pour sa petite fille) Elle picore un peu dans tout, puis fait sa gymnastique ou un jogging s’il fait beau, ensuite pleine d’énergie se remet au travail.
: Le téléphone sonne.
- Allo, Christie Charme ?