Un cliquetis de verres un bruit de chariot l’hôtesse offre ses services. La tête appuyée contre l’appuie-tête du fauteuil, jambes à moitiés tendues (elles sont interminables...) Tony dort, seul de temps en temps un petit mouvement nerveux secoue son corps. Empêtré par sa grande taille il doit se contorsionner pour se positionner le mieux qu’il peut, jovial il accepte les problèmes de bon cœur. Tony à peine réveillé clignote des yeux, regarde vers le hublot : partout des nuages vaporeux, ouatés, effilochés, dispersés dans le ciel, puis du bleu et de nouveau des nuages blancs, très blancs, épais, moins épais, lourds. Il regarde ces formes fantasmagoriques aux allures de monstres, de drôles de curieuses créatures. Tony moitié endormi regarde au loin, très loin une ligne tirée au cordeau, violette. Devant ce spectacle il se réveille doucement avec un long soupir, se tourne vers sa voisine discrètement « qui ma fois n’est pas mal » : l’ambiance de l’avion le met dans une léthargie, il replonge dans le sommeil... Dans son demi sommeil Tony voit Christie qui apparaît puis disparaît. Un bruit de voix, l'hotesse le réveille.
- S’il vous plait ?
L’hôtesse arrête son chariot offre d'une voix suave, thé, café, boissons rafraîchissantes, petits gâteaux
- Monsieur ? Tony écarquille les yeux essaie de réagir, étire son cou.
- Un thé s’il vous plaît.
Dans l’allée, l'hôtesse jeune, belle, élégante, joliment maquillée offre ses services avec un beau sourire en poussant son chariot, Tony aime la voir. Ankylosé il cherche la bonne position. Il se distrait en regardant à travers le hublot, s’en éloigne, pense à Christie. Dans peu de temps je vais avoir une explication avec elle : nous essaierons de nous voir plus souvent aussi. Le front plissé, soucieux il commande un autre thé. Il voudrait comprendre pourquoi elle est si lointaine par moment ! Si rebelle ! Il ne peut pas s’empêcher d’être inquiet, ce flou le met mal à l’aise, jusque là tout était simple ! Mais maintenant il est dépassé, lui si précis dans ses aces a du mal à comprendre. Il essaie de se mettre à l’aise, se cale le mieux qu’il peut, pousse un profond soupir ferme les yeux Une magie, une image floue se précise, silhouette élancée, cheveux noirs, vivante, riante, moqueuse c’est Christie. Tony essaie de prolonger son sommeil, ses bras l’entourent, puis plus rien. .
Lorsque Tony est en compagnie de Christie ses pensées vagabondent, très amoureux d’elle il aimerait lui clamer son amour, lui, si pudique perd son aplomb devant elle. Comment lui faire comprendre ce qu’il a dans le cœur, tout ce qu’il voudrait dire se fige ! La peur d’être ridicule le paralyse Pour le moment il nage dans la béatitude. Porté par la douce ambiance de l’avion il dort bercé par des rêves pleins de Christie… : Il voit son petit regard en coin, sa démarche assurée, ses cheveux qui ondoient autour de son visage, ses formes délicates, son sourire charmeur qui aime séduire, son visage expressif, sensible qui l‘émeut : il voudrait vivre avec elle. Réveillé en sursaut il écarquille les yeux : c’est bientôt l’atterrissage. Impatient de sentir son haleine sur sa figure, de la serrer dans ses bras, de sentir la chaleur de son corps, la retrouver, l’enlacer, chaude, vibrante, Tony est nerveux : le moment tant attendu qui l’amène vers Christie approche.
Le R E R s’arrête, repart, avale, crache dans un tourbillon la multitude ; les gens, lisent, dorment, regards las, visages marqués, de brefs échanges de politesses, aujourd’hui il y a un joueur d’accordéon, ses doigts agiles courent sans effort sur les touches, enlèvent un air de musette, égaient le trajet, des amoureux jamais las, jamais fatigués… Les gens entassés compriment Tony : il n’est certes pas novice mais aujourd’hui il est mal à l’aise. Dans les couloirs le martèlement des pas résonnent sur le sol ; des vies multiples se côtoient, se croisent au pas de course. Encore quelques rues, quelques marches : chaque fois il panique : aujourd’hui il est plus anxieux que jamais.
La tête collée à la porte Christie s’énerve au moindre bruit, impatiente elle fait sans cesse des allées et venues de son bureau à sa porte, des va et vient. Un regard autour d’elle, remet plusieurs fois le même objet à sa place, s’assure bien que tout est en ordre : connaissant la maniaquerie de Tony elle s’est appliquée à bien ranger sa pièce : Tony est pointilleux sur l’ordre.
Des petits coups qu’elle connaît si bien contre la porte, d’un bond elle va ouvrir. Les gestes sont gauches les mots s’étranglent dans la gorge l’émotion est trop forte. Ils se prennent les mains sans un mot se regardent, et dans leurs yeux on peut lire tout le bonheur du monde. Elle l’enlace ; certaine à ce moment là qu’il sera toujours près d’elle, et que rien, rien, ne l’éloignera : c’est sa conviction profonde. Leurs retrouvailles sont pudiques. Christie l’entraîne timidement vers le canapé. Enfin installé commodément Tony peut étirer ses jambes.
- Tu as fait bon voyage ?
- Excellent.
Il se lève, la contemple, du bout des doigts la soulève l’approche de lui l’enlace délicatement, tendrement lui lève la tête,: dans un souffle il murmure, de jour en jour tu es plus belle. Silencieux, ne souhaitant pas rompre ce moment ils se taisent : puis la ramène sur le canapé.
- Que fais tu en ce moment ?
- Regarde : l’entraînant vers le bureau : tu vois je ne chôme pas. En ce moment je suis en pourparler avec un éditeur, je t’en ai parlé déjà. Tony la regarde tendrement puis la rassoit. Je ne te comprends pas Christie, comment peux tu trouver toutes ces idées ! C’est tellement à des années lumière de moi. Je n’ai aucune imagination, je m’étonne parfois d’être si peu créatif : sur ce il se lève, soulève Christie, l’enlace de nouveau : ce contact doux lui fait tout oublier : Nonchalamment il pose la boîte de thé
- Tiens.
- Merci. Je ne connais pas cette marque ! Tu en veux ?
- Non, non, une autre fois. Qu’est ce qu’on fait ?
- Nous pourrions aller à Montmartre, si tu veux.
- Pourquoi pas.
- On fera un détour par les bords de la Seine ; tu verras tes bouquinistes : c’est ce que tu aimes, puis nous dînerons à Montmartre. C’est bon ? Ils se comprennent à demi mots, ne se lassent pas de se regarder. .
- Hello ! pas si vite.
- Prends les tickets.
Tony se plait dans ce petit une pièce, il y resterait plus longtemps : Christie l’arrange avec goût. Il connaît l’agencement qu’il regarde chaque fois comme si c’était nouveau : Sur un guéridon dans l’angle de la pièce une petite statuette de bronze, une tapisserie est accrochée au mur, (la dame à la licorne) sur la table un bouquet de fleurs aux délicates couleurs, pastelles, roses, jaunes pâles striées de rouge, égaient la pièce. Christie s’est appliquée à décorer la table pour accueillir son ami. Elle s’est attachée au plus petit détail avec soin et minutie tout comme un peintre ferait avec son tableau en cherchant l’harmonie des formes, des couleurs. Tony respire le délicat parfum. Il resterait bien, mais Christie l’entraîne. Installé devant son bureau il caresse du doigt les feuilles, plein de respect pour son travail, puis retourne s’asseoir dans le fauteuil sensible à cette atmosphère subtile. Pendant ce temps Christie tourne à la recherche de ses clefs : quelques éclats de voix, enfin les trouve.
- Tony tu es prêt ? Elle hésite à regarder Tony le connaissant et sachant d’avance qu’elle y verra un petit reproche amusé car Tony est l’ordre personnifié. Mais aujourd’hui tout est bien il la couve des yeux.
- J’aime bien ton histoire sur les chats.
- Peux tu m’aider à enlever le sac de la poubelle, il s’est accroché.
- Mais quelle idée, nous partons, ce n’est pas urgent !
- Viens m’aider !
Ils n’attendent pas l’ascenseur préférent les escaliers qu’ils dévalent à toute vitesse.
Dans les couloirs du métro ils vont aux pas de course. D’un saut ils sont à l’intérieur amusés de l’avoir eu de justesse avant la fermeture des portes. Assis l’un en face de l’autre ils s’épient gentiment, se sourient: Tony élimine ses soucis lorsqu’il est avec Christie quant à Christie elle essaie d’oublier le couple de la grande surface sans y parvenir tout à fait ! Tony afin de la rassurer se penche pour lui prendre les mains. « ce qui est de sa part une grande preuve d’amour car il n’est pas démonstratif » Arrivés à leur station ils s’engouffrent dans les couloirs, vont bon train en suivant le rythme de la foule. Enfin dehors ils vont bras dessus bras dessous, gaiement par les rues de Paris, n’hésitant pas à s’allonger, à s’égarer : qu’importe ils sont bons marcheurs... Notre Dame les accueille dans toute sa splendeur. Ils vont indécis…les bouquinistes alignés le long de la Seine, Notre Dame au fond... Tentés par l’étalage d’un bouquiniste qui expose des plans, des photos du Paris ancien Tony s’arrête. Les bateaux animent la Seine. Notre Dame est d’une majesté à vous couper le souffle : parfaite. De tous les pays les gens viennent l’admirer. Appuyée contre le parapet Christie passe son temps à regarder. Tony nonchalamment furète, feuillette les revues, fouine un peu partout. Les touristes traînent le long du quai, s’arrêtent devant les marchants, cherchent les vieux bouquins, les vieux livres : les bouquinistes au bord de la Seine sont un pôle d’attraction où Christie aime aller. Attirée par les affiches publicitaires elle s’étonne du talent de l’artiste qui a su exprimer sa pensée d’une façon aiguë. Chaque fois elle s’arrête pour les regarder, s’étonne devant la publicité qui avec seulement quelques traits, quelques couleurs apporte avec tant d'intencité l'idée essentielle du sujet. Appuyée contre le parapet, soupirant d’aise elle se tourne pour aller trouver Tony, indécise elle reprend sa place : chaque bouquiniste a sa spécialité. Tony passe de l’un à l’autre, s’arrête fait signe à Christie de venir pour lui montrer une publicité particulièrement cocasse, clownesque, si drôle qu’il se paie le luxe de l’acheter.
- Comment la trouves-tu ?
- Super, elle la saisit pour mieux la voir.
Les péniches glissent sur la Seine, les ferrys bondés de touristes joyeux mettent un air de fête : appuyée sur la balustrade du pont elle les suit du regard Sur la berge, des gens isolés, méditatifs sont assis sur des bancs de pierre, des touristes pressés appareils de photos en main, des amoureux, des artistes en recherchent d’inspiration, des poètes, des gens viennent tout bonnement se détendre ou seulement faire leur promenade quotidienne ; au loin un groupe de jeunes essaient leur batterie. Chacun à sa façon profite pour un temps de ce magnifique spectacle qu’est la Seine: Tony et Christie sont perdus dans leur contemplation.
La rue et son flot ininterrompu de voitures, un va et vient sur le trottoir, des gens divers, un bruit sourd, des éclats de voix, des accents étrangers, Christie doit faire un effort pour s'enlever de ce spectacle, elle ne voit pas Tony près d’elle, une petite pression sur le bras, un sourire encourageant : il l’invite à continuer leur promenade. Après un long soupir, un dernier coup d’œil, elle attrape Tony et d’un pas vigoureux l’entraîne vers le métro. Tony naturellement ne peut pas s’empêcher de lui raconter l’histoire d’un monument, Christie doit faire d’énormes efforts pour l’écouter, car curieusement elle est attirée par les toits de Paris. Lorsqu’il lui explique l’histoire des monuments elle attrape des maux de tête car elle doit écouter et regarder en même temps.
- Tony, tu ne trouves pas curieux ces fenêtres dans les toits ? Tony jusque là n’y avait pas fait attention, jette un coup d’œil rapide. puis continue son histoire.
L’attrapant par le bras :
- Regarde Tony, j’aimerais vivre la haut :
Avec une moue
- Pas moi. Puis découvrant ce que jusque là il n’avait pas remarqué spécialement, sourcils froncés il convient que c’est intéressant…
- Tu vois …là…
Tony devant l’intérêt qu’elle montre lorsqu'il raconte l'histoire d'un monument est ravi, alors il continue inlassablement, et c’est épuisée qu’elle l’écoute jusqu’au bout.
Rapidement ils vont directement à leur métro : d’habitude lorsqu’elle prend le métro elle furette, regarde les publicités : c’est un endroit où elle laisse aller son imagination mais lorsqu’elle est avec Tony elle ne pense qu’à lui. Une fois à l’intérieur, discrètement ils se prennent la main, aperçoivent à peine les stations défiler, chacun s’installe commodément. Une fois sortis à Barbès – Rochechouart la foule est si dense qu’ils ont de la peine à se frayer un chemin. Au pas de course ils attrapent la navette pour aller sur la butte.
- C’est du sport.