soucieux de Christie Tony retient les paroles qu’il allait dire. Elle lui presse la main voyage dans ses souvenirs. Je me souviens de gens qui se sont imprimés dans ma mémoire et qui m’ont marqué, tu vois aujourd’hui j’ai une réminiscence de personnages hors du commun. Je me suis trouvée un jour à la gare à la descente du train, abasourdie je vis un homme, un africain immense, il se pliait en deux, le pauvre diable mesurait deux mètres cinquante sans exagérer, curieuse comme tu me connais, je l’ai suivi : il vivait plié !
- Tu n’exagères pas un peu
De nouveau songeuse les yeux vagues.
- Et toi ?
- Tu continues, je sens que tu en meurs d’envie.
- Encore dans une gare, j’étais en province, une petite gare de province, figure toi devant moi un couple Oh ! Une lilliputienne, une minuscule jeune fille, son mec était de taille normale il paraissait immense à coté d’elle. Tony dis moi si je t’ennuie.
- J’ai devant moi cette jeune femme : c’était à la poste, j’attendais : une jeune femme était au guichet, elle se retourne j’ai tout juste eu le temps d‘apercevoir des yeux d’une beauté à vous couper le souffle. Tu ne peux pas oublier ces moments, ils te marquent. Je revois aussi un jeune homme, une jeune femme, et j’en passe….
Tony bien calé sur sa chaise écoute.
- De ton coté, as-tu vécu des instants que tu n’oublies pas ? Moi, il m’arrive de les raconter à mes amis…j’aime les revivre… elle murmure : mais pour le couple c’est différent.
Tony méditatif devant Christie conclue, pragmatique :
- Si nous allions faire notre promenade qu’en penses tu ? entraînée par son ami en soupirant devant l’inévitable temps qui passe Christie se lève, confuse. Ankylosés ils se lèvent un salue au patron, ils vont se prenant par la taille, s’enlaçant, s’embrassant goulûment.
- Tu as vu cette résidence, viens. Elle me rappelle une station balnéaire avec ses balcons fleuris en espaliers. Regarde chaque balcon donne l’impression d’être suspendu en l’air. Dans le parc serpenté par des sentiers bordés d’arbrisseaux en fleurs ils s’assoient, enlacés. Les enfants jouent poussent des cris joyeux.. .
- Tu as vu la hauteur des tours : trente sept étages : il doit y avoir une vue de la haut ! Tony est dubitatif devant l’enthousiasme de Christie :
- Tu te vois monter tous ces étages lorsqu’il y a une panne d’électricité! En ce qui me concerne je préfère mon deuxième étage. J’aimerai tant que tu sois avec moi Christie. Quand je suis sur les bords de la Tamise je souffre de ne pas t’avoir près de moi pour me raconter la beauté du cite, tu sais si bien faire.
D’un pas vigoureux ils longent le bord du canal Saint Martin ; l’endroit est calme, quelques passants, quelques personnes sont assises sur des bancs, des promeneurs solitaires promènent leur chien. Ils jettent des regards vagues autour d’eux. Des péniches sont accostées, bien entretenues. Ils vont vers les écluses, Christie curieuse court vers la passerelle pour voir un bateau franchir l’écluse, accoudés contre le parapet ils observent la manœuvre délicate. Au loin, d’autres passerelles, d’autres écluses : un pécheur lance sa ligne : l’endroit est paisible, reposant. Ils prennent leur temps pour profiter pleinement du cite. Revigorés, d’un pas assuré ils vont prendre le métro. Dans le brouhaha du labyrinthe du métro en pleine effervescence ils se prennent la main pour ne pas se perdre : C’est la mauvaise heure, en jouant des coudes, catapultés à l’intérieur, après des bousculades ils sont enfin dedans. Par chance une place se libère : Christie s’assoit. Elle ne lit pas dans le métro, elle regarde, elle observe. Aujourd’hui, une famille africaine aux habits bariolés, aux coiffures très étudiées : celles des enfants sont des petits chefs-d’œuvre d’architecture, des petits cheveux tressés au bout desquels des petits noeuds de toutes les couleurs lancés dans tous les sens sont d’une fantaisie où les mères font preuve de beaucoup d’imagination. Un regard confiant vers Tony un regret de ne pas l’avoir plus souvent avec elle, autour d’elle le va et vient des gens “ Je n’arrête pas de les chercher une fois qu’ils sont descendus du métro pour les suivre du regard, je ne sais pas comment et pourquoi, je les perds de vue. Ils ont disparu comme ils ont apparu, j’en ai le vertige. » En face un monsieur vient de s’asseoir prestement il déplie son journal avec l’habileté de quelqu’un qui fait ça tous les jours. Autour d’elle des gens somnolent, d’autres lisent. Les yeux sont fatigués par une dure journée, des bousculades, des mains qui s’accrochent un peu partout pour garder l’équilibre, des frôlements, des frottements, des gens agglutinés, projetés les uns sur les autres, secoués par l’arrêt sec. Le bruit du métro assourdissant entraîne Christie à rêver, elle pense au couple de la grande surface, cherche à comprendre. Etrangement lorsqu’elle est entourée de monde sa concentration est décuplée. Elle a tout essayé pour s’en libérer, les ballades dans Paris avec Tony , les visites à ses parents, les voyages à Londres rien ne peut la libérer du couple de la grande surface.
Un sourire de Tony.
Tony passe son temps chez Christie.
- Tu attends, je descends ! Je n’en ai pas pour longtemps : lis ma dernière nouvelle !
Le temps gris assombrit la pièce, l’air est lourd suffocant. Appuyé contre la fenêtre grande ouverte Tony essaie de reprendre sa respiration en s’épongeant le front. Penché vers l’extérieur il scrute le ciel, essaie de trouver un souffle d’air. Le temps lourd, le manque d’air rend l’atmosphère irrespirable, un timide courant d’air lui envoie une bouffée d’air chaud. Une vapeur monte du balcon, puis un bruit sec de papier froissé, de grosses gouttes frappent la rambarde, Tony écoute, il ouvre sa chemise, relâche d’un cran sa ceinture, soupire. Une odeur âpre rentre dans la pièce. Dans un soupir de soulagement il va s’asseoir devant le bureau de Christie la tête dans les mains.
La première fois qu’ils se sont rencontrés, il fut pris par son coté mystérieux un peu étrange, ses yeux brillants, pétillants, légèrement moqueurs, cette indifférence aux choses, son rire, son sourire séduisant diable, puis aussi cette pudeur, cette pudeur dans les sentiments, si secrète, et avec ça cette coquetterie qui le trouble, son charme enfin ! En ce moment il a une envie folle de la prendre dans ses bras, de la serrer contre lui…Il la désire follement. Enervé, soucieux il retourne à la fenêtre, soupire, respire à fond plusieurs fois. Le bruit de la pluie sur la rambarde raisonne dans sa tête, perdu dans ses pensées, pensif il retourne s’asseoir, murmure : Je n’arrive pas à la cerner. Emu par le délicat bouquet sur la table, apaisé. il va à son bureau lit sa dernière nouvelle, c’est bien comme ça. Il lit pour la énième fois la même page, se lève, n’arrivant pas à se concentrer, lui, si rigide sur le maintien, si british, s’étonne du désordre de ses pensées. Il se tape sur les cuisses : bon Dieu comment elle était habillée aujourd’hui, il se tape le front, cherche à voir Christie dans ses habits mais il n’arrive pas à la revoir dans ses habits. Mon Dieu, elle était si belle, tapant le sol de ses pieds, ah ! Oui, elle avait une jupe voyons.. vert pâle, légèrement froncée aux hanches, agrémentée d’un pantalon visible juste au bas de la jupe. Fronçant le front Tony doit faire un autre effort pour trouver la couleur de son t- shit, oui… il était jaune paille. il retourne à la fenêtre, jette un regard sur les nuages immobiles, tente une respiration profonde. Dans la pièce, il tapote les cloisons, les murs, regarde le plafond, le sol, va à la cuisine, regarde la douche : constate : c’est bien fait « son appartement est identique »: il passe son temps… l’oreille aux aguets il écoute : vaguement, très vaguement un léger bruit : c’est bien insonorisé. Pas un souffle, la chaleur accablante malgré la fenêtre ouverte lui arrête la respiration. Il tente de respirer plusieurs fois à fond : n’y tenant plus il va prendre une douche.
: Christie s’amuse à faire tinter la petite clochette accrochée à la porte en la secouant plusieurs fois.
- Tony… ? L’oreille tendue Christie entend le bruit de la douche : elle va faire une belle table, installer une nappe blanc écru sur laquelle elle mettra des assiettes finement décorées, des serviettes assorties, un délicat bouquet de fleurs des champs. Tout à été étudié avec soin ; c’est une vraie table d’amoureux. Elle révise son menu : tomates, jambon de parme, confit de canard : (c’est le plat préféré de Tony) au dessert, une glace ; et sur le bords des assiettes une rose rouge vermillon. Christie a tout prévu, elle a placé non loin de la table un petit ventilateur pour rafraîchir l’atmosphère : connaissant la difficulté de Tony à vivre la chaleur.
- Oued… Tony à pas de loup s’approche la saisit par la taille, l’enlace, la transporte sur le divan. Enlacés ne sachant qui est l’un qui est l’autre, transportés…