Ca c’est passé dans un grand boulevard
Nous nous regardions depuis un moment comme si le lien unissant
nos pensées avait disparu lorsque soudain elle me dit.
- Tu sais la dernière !
- Non ; je connais son tempérament caustique pour l’avoir connu à
travers moi ou à travers les autres, un silence s’ensuivit. J’avais tout le matin
cherché dans mes classeurs un dessin, épuisée je m’étais allongée sur
mon canapé afin d’aider une digestion qui avait été perturbée par les déplacements, l’inventaire de tous mes classeurs, et l’idée de remettre tout en place m’achevait
- Bon, je t’écoute.
- C’est Lucien
- Ah Lucien !
- Oui Lucien, si tu savais, je l’aime mais là il y va fort
- Une femme dans sa vie ?
- Alors là tu dérailles, Lucien me tromper ! Il m’aime trop ! Ca c’est passé dans un grand boulevard d’une grande ville de notre douce France.
Cette fois ci je crus pour de bon qu’elle n’allait pas, je la fis répéter pour m’en assurer, j’étais navrée. Là, elle m’offrait un spectacle où le gracieux, le délicat, le fin m’enchantaient. Mon amie n’est plus jeune mais elle est charmeuse, belle et je comprends l’amour de son mari pour elle. Je me suis posée la question pourquoi elle vient me voir si souvent, si ce ne serait pas mon antre avec mes tableaux accrochés aux murs qui ornent mes pièces et qu’elle regarde avec beaucoup d’attention ou moi ? Peut-être, les deux… Je ne sais pas.
- C’est grave ?
Ses yeux d’habitude si mobiles, malicieux et coquins, moqueurs et séducteurs à ce moment étaient étrangement vagues, avec un fond de tristesse et une malice au fond que je lui connais bien. Nonobstant toutes les questions je préférai me taire.
- Eh ! Bien voilà, ça c’est passé dans les grands boulevards d’une grande ville de notre douce France.
J’essayais de me calmer croyant à une chose grave qui serait arrivée, m’inquiétant vraiment.
- Tu ne peux pas être plus précise ?
- Surtout pas ! Lucien s’amuse de moi, voilà la réponse.
- Il s’amuse ?
: D’après les contactes que nous avons eu je connais un homme plein de courtoisie, intelligent, fin, qui a les mots pour faire rire, et je savais qu’il avait conquis Julie avec son esprit.
: Je me souviens de l’entendre dire : je n’en trouverai jamais un le valoir.
- Mais oui Julie je l’ai remarqué déjà plusieurs fois et ça marche, il a un plaisir sadique à le faire.
- A quoi ? Tu n’exagérerais pas un peu, Lucien sadique ! Non tu veux rire !
- Ah ! Tu sais les hommes….
- je connais Lucien, il est bien incapable de te faire souffrir !
- Je m’inquiète à tord peut-être car il maîtrise bien la chose. Nous sommes faits pour être ensembles, j’ai mon job il a le sien mais là, je me sens à part. Il cherche à me provoquer, c’est un jeu qu’il aime et il m’aime. Tu comprends je pars au quart de tour, c’est ce qu’il cherche ! Il s’en réjouit.
- Tu ne pourrais pas être plus explicite.
- Tu sais : elle attrape ma main et avec un regard décontenancé, des yeux malheureux où perce une pointe de malice elle me dit.
- Nous étions sur le grand boulevard lorsqu’il s’arrêta, tel un prestidigitateur
il sortit de sa poche une superbe cravate en soie : pendant que je tournais autour des rayons à la recherche d’une veste il s’était amusé à…à… enfin tu me comprends… ! Il s’était emparé d’une cravate voilà ! Se réjouissant à l’avance de l’effet produit sur moi car c’est un amusement. Tu me connais Julie je suis si naïve je n’ai pas compris de suite, puis lorsque j’ai réalisé j’étais effondrée, je dus prendre sur moi pour comprendre, évidemment je lui imposais l’ordre de ramener la cravate, rien à faire ; J’étais pourpre de colère, je tapais du pied, inutilement, je bégayais des mots inintelligibles. Et tu sais la meilleure, eh ! Bien il guettait mes réactions, mon regard, n’en perdant pas une miette, amusé. Tu penses bien il n’a jamais mis la cravate
J’étais soulagée. Devant toutes ses cachotteries je m’attendais au pire, avec prudence je la conseillais de lui donner maintes raisons pour lui faire comprendre de ne pas recommencer et de lui tourner le dos la prochaine fois lorsqu’il commettra un nouveau larcin.
Liliane Boyrie 2010-07-26