Le parapluie
Le bras tendu son parapluie canne dans sa main crispée lançait un anathème dans la gare Montparnasse où j’étais.
Nous étions tous sur le quai et tous comme un seul homme nous allions vers la sortie, masse uniforme pressée, tous uniformément vêtus, la chaleur étouffante nous faisait accélérer le pas pour trouver enfin l’air frais.
Je tirais mon chariot calquais mes pas sur les autres, j’avançais presque au même rythme lorsque me retournant je fus frappée par une silhouette hors du temps ; Dans ses vêtements hivernaux foncés je la distinguais, je ne pouvais que la remarquer. J’étais frappée par son parapluie canne noir qu’elle envoyait le bras tendu, pliée en deux pour tirer sa charge vieille très vieille femme courbée par la peine je pensais. J’allai dans l’allée parallèle pour la voir sans me montrer, je ralentissai ma marche. Elle était vêtue d’habits hivernaux de la tête aux pieds, des bottes qu’il fallait deviner cachés par un pantalon chaud par-dessus une robe en plus pour mieux se protéger une veste longue foncée tenue par une ceinture qui tombait, la capuche sur la tête;
Cassée elle tirait son barda se relevait, s’arrêtait se redressait puis cassée elle repartait les pas comptés le bras tendu son grand parapluie noir dans sa main crispée.
Quel pays l’envoyait ! Etrange personne.
J’évitai les escaliers car si je peux alléger ma peine je ne boude pas les commodités, j’allai prendre l’escalator ; je la retrouvai sur l’esplanade, elle était si facile à remarquer ! Elle portait son bagage peut être de peur de la casser ! Je la regardai impressionnée, elle était jeune, silhouette gracile, fragile. Rodée comme une machine bien huilée elle avançait, le bras tendu parapluie brandi dans sa main crispée qu’elle envoyait comme un trophé, elle comptait ses pas s’arrêtait, repartait ! Elle connaissait son parcours elle allait où son autobus l’attendait.
Autour du monde plus loin un homme bien bâti sympathique m’arrêtait pour faire la publicité de son tee-shirt.
- Vous mesurez ? Monsieur ?
- J’ai raté les deux mètres : un mètre quatre vingt dix huit.
J’allais prendre mon autobus ;
Liliane Boyrie 07/08/2011