Qu’est-ce que tu veux être ? ,
Peintre, équilibriste, mime
Romancière
Manie
J’étais depuis un moment à observer Lucien. Il feuilletait son journal Le Monde avant de choisir son article, j’aimais le crissement des feuilles maladroitement tournées gênées par la présence du vent qui s’était levé, ce vent que j’avalais goulûment et qui obligeait Lucien à redresser ses feuilles de gestes secs, lorsqu’une tempête me secoua la tête.
C’était Manie, qui fidèle à ses habitudes voulait me mettre sur le droit chemin ! Il me fallait des efforts pour écouter ses remontrances pleines de bonnes intentions. Je tressaillis, pris un air coupable devant elle, les litanies qu’il lui était difficile de retenir tant elle était inquiète des mauvais sorts que j’allais avoir sur ma route de vie avaient une consonance, une résonance que je comprenais difficilement, ses mots n’étaient plus les mêmes, nouveaux de son vocabulaire ordinaire ! Je ne comprenais pas où elle voulait aller, j’étais doublement peinée en la regardant, Manie croyait avoir dit les bons mots ceux que j’aurais du mieux écouter, nous étions tristes ensemble mais son extraordinaire nature la dérida, elle me tendit ses bras où je me blottis son doux gestes me rassura.
Je me trouvais dans sa salle à manger où elle se plaisait à exposer ses trouvailles (d’amusants petits objets) afin de me surprendre sachant que je les regarderais avec intérêt. Ce jour ci je m’arrêtais devant une sculpture qui avait des formes bizarres, je la regardais un moment, c’était une petite statuette aux formes peu communes à ma connaissance, elle allait à l’inverse de l’équilibre pourtant elle tenait, je cherchais à comprendre la pose, mais c’était trop compliqué j’essayais de m’étirer de me rétrécir, je levais mes bras très haut, puis je levais la jambe manquais tomber, agacée je lui jetais un regard peu amène, son histoire m’échappait.
- Christie que veux tu faire plus tard ?
Je m’étais levée pour me camper devant Manie, je ne savais pas au juste. J’avais Manie devant moi habillée de couleurs qui lui allaient bien et lui donnaient une jeunesse qui ne voulait pas s’en aller, je voyais quelques cheveux blancs parsemer sa belle chevelure noire, un sourire plein de bonté, toute menue. Elle connaissait, devinait les histoires que j’aimais l’entendre raconter.
Manie avait une imagination féconde, c’était facile de m’asseoir près d’elle lorsqu’elle racontait de sa belle voix chaude que j’aimais écouter, où, devant elle j’écarquillais mes yeux pour mieux entendre son histoire fantastique qu’elle venait d’inventer qui me faisait palpiter, battre des mains taper des pieds pousser des O ! Des A ! Elle m’impressionnait. J’interrompais Manie
- Qu’est ce qu’il va faire ?
- Tu le sauras la prochaine fois petite curieuse : Christie que veux tu faire plus tard ?
Je ne savais pas, je ne m’étais jamais posée la question, impressionnée par l’histoire inachevée de Manie je lui dis
- Manie : je veux être peintre, équilibriste, écrivain, mime, trapéziste, sculpteur, clown, toréador, je lui pris son châle aux couleurs vives et dans un large geste digne du plus célèbre toréador je m’élançais devant elle, dompteur d’animaux terribles de sauvagerie : lions, tigres, panthères j’avalais ma salive pour en trouver, danseuse étoile, romancière Manie, je pourrais écrire ? Du haut de mes 9 ans j’allais me mettre sur la pointe des pieds pour lui donner une bise bien sentie ; Manie était au paradis malgré l’immense soupir qui n’en finissait pas de se terminer.
- Viens t’asseoir près de moi tu es trop jeune, nous en reparlerons Christie.
Le doux vent caressait mon visage, je secouais ma tête il se fit plus pressant d’un revers de main l’enlevais, glissais ma main sur le banc que Lucien pressa tendrement, je la dégageais, sentis mon corps se désagréger mon esprit avait détruit mon corps, je le cherchais affolée, j’attrapais la main de Lucien palpais mon corps fit remuer mes membres timidement, apeurée, un vent doux venait de se lever caressait ma figure je retrouvais la vie, la merveilleuse vie.
- Les nouvelles sont bonnes Lucien ?
- Nous allons les découvrir ensemble.
Je l’aidais à tenir les feuilles qui s’envolaient.
Liliane Boyrie 04/10/11
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