Voilà deux mercredis sans elle.
Par l’immense désir de le revoir
Elle est appelée.
Quelle insolente quelle effrontée, impertinente, il ne trouve pas assez de qualificatifs il s’égosille, tape sur la table de colère, cogne sa tête, cogne sa poitrine deux fois. Il aligne ses pas de long en large dans la pièce. Le front plissé, ses yeux lancent des flammes. Il ne décolère pas : voilà deux mercredis sans elle !
La dame dans sa twingo, oppressée appuie sur l’accélérateur. Elle est troublée par le désir fou de le revoir.
Par l’immense désir de le revoir elle est appelée.
Cet homme la fascine il correspond à l’histoire mystérieuse de la maison, il l’attire irrésistiblement : elle en a conscience. Son regard insolent, irrespectueux, cruel, sa façon de se balancer de se camper devant elle sont autant de points qu’elle voudrait élucider.
Elle s’est munie de son équipement de ménagère, eau, chiffons, aspirateur de table, balayette, peau de chamois, avec le produit pour lustrer la carrosserie ; elle s’est appliquée à mettre tout en ordre dans son coffre. Elle va aller comme à son habitude garer sa voiture face à la maison du vieil homme assis sur sa tondeuse à gazon ; elle est en avance. Avec attention elle cherche parmi ses outils de ménagère celui qui lui convient le mieux ; elle pousse les fauteuils, sort les tapis, farfouille dans tous les coins avec application elle passe l’aspirateur de table, termine son nettoyage avec la balayette. Bien que la carrosserie soit parfaitement propre avec la peau de chamois et avec application elle la passe, recule pour constater le travail, satisfaite elle remet tout en place. Négligemment elle se retourne. Le barreau dans la main l’homme la regarde impassible, l’interroge du regard.
Je nettoie ma voiture
Silence
Bonjour.
L’homme hausse les épaules
L’homme n’a plus de voix
Elle est belle, lui montrant sa voiture
Elle est très belle ;
Se retournant, avec un soupir, je suis fatigué madame.
Silence de la dame
Il l’attire : séduisant encore ; la fatigue lui creuse les joues, les yeux sont emprunts de lassitude.
Nettoyez la moins madame vous allez l'user !
Elle est impeccable
La dame a des sueurs froides qui parcourent son corps, elle est déstabilisée ; l’homme l’inquiète, ses yeux ont parfois des lueurs sauvages entrecoupées de cruautés ; pourtant ce personnage la fascine, l’attire. Appuyée contre sa twingo ils s’observent, s’évaluent, se jaugent.
Voulez-vous entrer ?
S’il vous plait, une autre fois.
Contrits, ils ne savent plus quoi dire
J’aime votre twingo
Silence
Dans un soupir pesant il se tourne, se retourne face à elle. Elle s’approche de la grille prend un barreau dans sa main pour s’aider, pour mieux l’approcher
Monsieur je pars
Avec un sourire elle le quitte :
Il lui plait.
Liliane Boyrie 2009-12-01