L’homme à la tondeuse tend les chaises aux
Sommités spécialistes de son cas
Nous croyons nous souvenir de nous être
rencontrés ?
S’inclinant de droite à gauche, devant, derrière, la porte ouverte pour laisser entrer les hommes conçus pour soigner les âmes en peine, l’homme à la tondeuse tend les chaises aux sommités spécialistes de son cas.
- Y aurait-il encore un problème monsieur ? Nous croyons nous souvenir de nous être rencontrés : déjà.
Devant le visage déconfis de leur malade les hommes des cas extrêmes tentent un rétrécissement aussi bien physique que mental
- Messieurs Sérénissimes Doctorissimes, il y a eu pleins de tourments dans le courant de ma vie, j’arrivais à les résoudre avec la force des poignés, un mental d’acier Seigneurissimes Docteurs.
Je suis amoureux fou.
Les braves hommes de la médecine savante :
- C’est la maladie la plus belle monsieur : nous vous envions : n’est-ce pas chers collègues ?
Messieurs ne rayez pas !
- Racontez-nous.
- Cette dame Chers Amis est passionnément éprise de sa twingo. Lorsque nous vivons ces moments sublimes ensemble, il y a la twingo Messieurs ! : J’ai l’impression que la dame ne veut pas se séparer de sa voiture nous devons être avec elle ! C’est sa volonté, et le plus dramatique Chers Docteurs, je satisfais à tous ses désirs. J’étais pourtant un matelot pêcheur de baleines, je devais ruser, anéantir les épreuves les plus rudes, les plus coriaces… !
- Bon : essayons de comprendre. La dame ne veut pas abandonner sa twingo : C’est bien ça ?
- Oui Messieurs.
- Essayez de lui suggérer une autre couleur pour sa voiture ou, une autre voiture. Quelle est la couleur de sa voiture ?
- Rouge.
- Sans la heurter, tentez une autre couleur : la verte par exemple. Il peut y avoir des répercussions mauvaises avec certaines couleurs. La couleur verte est bénéfique.
- Une twingo verte ? Eh ! Bien, je vais lui en parler. Est-ce qu’il n’y aurait pas un remède plus rapide Chers Messieurs
- Difficile, difficile : ce cas est grave, très grave.
- Messieurs les docteurs de la médecine de mon cas, mercredi je vais lui demander de changer la couleur de sa twingo en couleur verte.
Votre bien intentionné malade, chers Dotorissimes
La dame étire son cou pour interroger le ciel, cherche d’où viennent les vents, le bras tendu afin de sentir si du ciel tombent quelques gouttes, dans un frisson elle franchit la porte de sa maison songeuse, émue à la pensée de voir l’homme à la tondeuse à gazon elle se glisse vers son étagère, retire un livre sans choisir, inclinée dans son fauteuil l’esprit ailleurs. Frappée par la pensée qu’elle ne peut dissocier l’homme d’avec sa tondeuse à gazon, elle frissonne. Tracassée, son livre sur la sagesse sur les genoux, une immense solitude, un désir insensé d’être dans ses bras, de finir les moments de sa vie dans ses bras… Anéantie par ses pensées elle ouvre son livre sur la sagesse Quelques pages lues, la twingo prête.
Face à face quelques mots de bienvenue.
Ils gesticulent en cœur : l’homme lance ses bras en l’air envoie des jurons envoie des regards terrifiants, la dame se contorsionne de fous rires tape autour d’elle sans savoir où. Elle l’avale du regard et avec un bonheur immense rit de nouveau : ah ! Monsieur ! Transportés dans les bras l’un de l’autre sans comprendre comment, ils ne font plus qu’un.
Il y a des moments monsieur, des moments que l’on savoure qui vous transportent au-delà sans comprendre, qui restent en vous et vous donne envie de continuer.
L’homme de la tondeuse à gazon et la dame de la twingo retrouvent leur esprit : la dame l’écarte avec sa main d’une légère poussée, recule….
Mercredi madame
Oui, mercredi
Elle est belle votre twingo
Liliane Boyrie 2010-01-04