CHAPITRE 6
Théo le nez collé à la vitre subjugué par les trombes d’eau qui clapotent, violentes, rageuses dans tous les sens soupire. Ne sachant pas quoi faire s’approche de Marie, désemparé.
Marie s’occupe : elle écrit à sa mère ; connaissant le bonheur qu’elle a de lire une lettre de sa fille.
- Tu comprends Marie, une lettre je peux la lire, la relire…
Marie aime écrire, pudique elle ne se laisse pas aller : le stylo en suspend elle regarde Théo.
- J’écris à maman : puis retrouve sa lettre : ne t’inquiète pas nous allons bien, ne t’en fais surtout pas, pour nous c’est bon. Elle insiste : surtout sois rassurée tout va bien Maman à bientôt.
Aujourd’hui jeudi. Marie tracassée par cette jeune femme qu’elle rencontre chaque vendredi dans la grande surface voudrait trouver un moyen de s’en libérer.
- Théo si nous allions faire nos courses .
- Mais c’est jeudi !
- Eh alors !
- D’accord puisque tu y tiens.
: Elle a choisi ce jour spontanément, éprouvant un soulagement, un sentiment de liberté de ne pas voir cette personne, cette audacieuse qui la trouble tous les vendredis dans la grande surface. Elle veut lui jouer un tour, une farce : Théo est là, solide, aimant. Ne pas être demain vendredi à sa caisse 16 à dix neuf heures sans voir la jeune femme à sa caisse 17 est d'une audace qu’elle ne soupçonnait pas. Leur départ est précipité, nerveux, leurs mains si précises d’habitude sont maladroites. Les objets tombent, faut chercher les clefs, le foulard : silencieux ils tournent, s’agitent.. Timides au point d’éviter le regard des autres ce changement inhabituel de leur vie les perturbe. Marie est émue, crispée. Ce contacte avec cette personne la tourmente elle voudrait se libérer.
Marie et Théo vont faire leurs courses dans la grande surface aujourd’hui jeudi
Visages tendus ils achètent se faufilent discrètement autour des rayons se jettent des regards malheureux, si préoccupés que l’on ne sait lequel suit l’autre tant ils se ressemblent. Ils marchent mécaniquement. Cette décision hardie ne leur ressemble guère : elle leur montre comme ils sont fragiles, comme ils sont atteints par cette rencontre dans la grande surface avec cette personne. Maintenant il doivent en convenir elle est entrée dans leur vie, comme… une amie... peut-être ! Devant cette situation nouvelle ils sont comme deux orphelins, tout leur paraît terne, triste, sans intérêt. Avec de profonds soupirs qui montrent leur tristesse ils s’isolent dans leurs pensées.
La pluie continue martèle la voiture, l’essuie-glace fonctionne à fond, les formes sont estompées sous les rafales de pluie mêlées au vent. Marie assise à coté de Théo prend son mouchoir fait semblant de se moucher pour cacher une larme. Dans leur appartement sans un mot ils rangent les denrées. Désemparé Théo les bras ballants fait la constatation navrante qu’il manque la moitié des choses. Marie est déstabilisée : comment peut on être si peu attentif ! C’est presque insoutenable, une vraie tragédie pour Théo. Les larmes aux yeux, assise par terre Marie est inerte. C’est un drame dont Théo est acteur et témoin à la fois. Enfin il décide de l’aider. Tracassé devant le pauvre visage si malheureux de Marie il s’assoit près d’elle , l’enlace.
- Marie, viens ! allez! Lève toi ! Nous n’allons pas passer la nuit assis par terre ! Péniblement il se lève, l’attire à lui, l’embrasse. Qu’as-tu ? Marie.
- Je ne sais pas, je ne comprends pas, mais ne t’inquiète pas, c’est passager.
- Eh bien nous irons demain ce n’est pas gênant après tout ! Tu fais un drame de tout, écris ce qui manque, j’irai.
L’espace d’un éclair elle a vu ses yeux rire.
- Je veux t’accompagner. J’ai tant de plaisir d’être avec toi Théo. Je suis si bien avec toi dans ces endroits là. Si tu savais comme dans la grande surface je me sens tendrement aimée par toi. Théo est ému : c’est un tendre il aime Marie et ne veut pas la contrarier.
- D’accord.
Il y a dans la vie des moments riches en émotions : en cet instant précis Théo et Marie le perçoivent confusément. Marie à la cuisine fait chauffer sa pizza, Théo navigue dans inter net. Le martèlement de la pluie sur la rambarde de la vitre, régulier, monotone brise le silence.
- Sale temps fait remarquer Théo. En soupirant il se dirige vers la fenêtre. Je suis fatigué, pas toi ?
- Un peu.
- Tu as des nouvelles de tes parents ?
- Je les appelle.
Les pas nerveux de Marie heurtent le sol de petits coups secs, le temps passe… Amollis par le bruit de la pluie, nonchalants, ils doivent faire des efforts pour rester éveiller. Marie s’installe devant la télévision avec sa pizza. Théo devant son ordinateur grogne quelques mots. Il arrive que les soirées sont lourdes, les murs rapprochés les oppriment, la respiration est plus courte alors il faut ouvrir la fenêtre pour respirer à fond.
- Et si nous allions voir les parents demain ?
Théo installé devant son ordinateur les mains en suspends n’arrive pas à comprendre : il fait pivoter son siège pour voir Marie, abasourdi. Bonne pâte il se plie à ses désirs… mais là, il est pantois. Il ne comprend pas Marie. Elle d’habitude si paisible, si tranquille, depuis quelque temps l’inquiète par ses envies inaccoutumés au pire même ses situations difficiles à assumer. .
- Tu rêves ! Nous en venons il y a à peine quinze jours, et puis demain, c’est demain ! Théo s’approche d’elle perplexe se gratte la poitrine, s’assoit dans le fauteuil en face d’elle.
- J’aimerais partir demain Théo.
Théo rassemble ses pensées avec peine. Depuis quelque temps devant les idées saugrenues de Marie il est dépassé. Il ne reconnaît plus Marie, sa Marie si paisible.
- Et pourquoi demain ?
- Je languis de mes parents.
- C’est loin… tu t’imagines toute cette route encore !
- J’ai tellement envie de partir, si tu savais.
- O.K. C’est entendu nous partons demain.
- Théo ? Je téléphone à maman. Je peux lui annoncer notre arrivée pour demain tu es d’accord ? C’est les vacances de ma petite cousine, elle est à la maison pendant les vacances. .
- Après tout pourquoi pas, fais comme tu veux.
Madame Etienne, Monsieur Etienne et leurs enfants Marie et Thomas mènent la vie de tout un chacun. Monsieur, chauffeur routier est absent les trois quart du temps. Madame, dut laisser son travail pour élever ses enfants. Dans cette chaude journée de juin ce soir les cigales font entendre leur chant strident, Madame Etienne profite de cette calme après midi pour se reposer, lire son hebdomadaire, car les enfants de retour de l’école vont la réclamer, l’occuper.
Les années ont passé, les enfants sont devenus des adolescents. Madame Etienne a repris son métier qu’elle affectionne : fleuriste. Elle travaille dans une jardinerie non loin de chez elle. Monsieur Etienne dans ses moments libres s’occupe de remettre de l’ordre dans l’esprit d’indépendance des enfants. Puis Marie et Thomas sont devenus de beaux jeunes gens.
Assises à la terrasse d’un café devant le port de Marseille Marie et son amie Nicole dégustent leur jus fruit, profitent de cette belle après midi. Elles jettent des regards vers les garçons pouffent de rire se cachent derrière leurs mains.
- Puis- je m’asseoir à votre table s’il vous plait ? S’informe poliment un jeune homme à peine sorti de l’adolescence. Arcades sourcilières levées Nicole après l’avoir observé un moment opine de la tête d’un signe de main lui montre la chaise. Gênées et curieuses elles le regardent interrogatives. Après leurs échanges de politesse Marie s’enhardie se hasarde à lui poser une question.
- Tu es seul à Marseille ?
- Non je suis avec un groupe d’étudiants.
Nicole plus hardie le jauge : elle aimerait bien sortir avec lui en faire son ami. Elle tente le coup.
- Si tu veux nous pourrons te servir de guide, nous connaissons bien Marseille et ses environs.
- C’est gentil mais je suis avec un groupe. Si vous voulez mon numéro de téléphone…
- Oui, nous vous promettons de t’appeler.
Tenez : après s’être échangés leurs numéros de portable ils se sont quittés en se jurant de s’appeler bientôt.
Cette rencontre fortuite fut le déclencheur qui a réuni Marie et Théo.
- Je meurs d’envie d’être à demain Théo. Nos courses sont faites ! C’est bon. Théo, regarde si tu à bien mis ce qu’il faut dans ton sac, remue toi allons !
- C’est bien loin pour si peu de temps…
- Nous partons vendredi et nous revenons dimanche : c’est ce que nous faisons d’habitude !
- Je te l’accorde, il n’y a pas longtemps que nous y sommes allés, tu n’es pas fatiguée ?
- Ca va.
- Théo arrête la conduite principale du gaz, jette un coup d’œil aux fenêtres, les clefs ! Bon. Allez… dépêche toi, grouille. Comme des machines bien huilées Théo et Marie ont tout préparé en un clin d’œil.
- Tu vois Théo j’ai hâte d’y être. J’ai téléphoné à maman que nous arrivons ce soir. Elle était muette de surprise et d’inquiétudes aussi. Elle avait peur que nous ayons des problèmes elle jubile évidemment tu penses.
Théo conduit bien, respectueux du règlement Marie peut lui faire confiance. Les petits villages avec leurs clochers, les prairies, les coteaux, les vastes étendues qui s’étirent jusqu’à l’horizon défilent devant ses yeux. Marie le regard perdu est prise d’une douce léthargie, de temps en temps elle jette un coup d’œil sur le paysage qui défile à une allure régulière. Ses yeux clignotent le bruit régulier du moteur l’endort. Le relais se fait plusieurs fois dans le voyage. Lorsque Théo est fatigué il cède le volant à Marie.
- ça va Théo ? Je peux dormir ? Elle s’installe commodément sans attendre la réponse.
C’est une coquette maison entourée de fleurs, d’arbustes, d’un gazon bien entretenu : on aime s’y retrouver en famille. Elle a un aspect agréable, ses boiseries bleu pastel donnent envie de connaître les hôtes tant elles sont soignées, délicates. La maison juchée en
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