Oh ! Marie, comme tu ressembles à Maman !
Catapulté sur le trottoir de Paris, avec de longues enjambés il entraîne sa sœur Marie.
- Thomas tu pourrais ralentir un peu s’il te plait ! Elle le saisit par le bras l’oblige à ralentir : Thomas est absent il pense à son histoire : expliquer qu’il veut être pêcheur. Il est soucieux enfin il aperçoit sa sœur.
- Tu les trouves beaux ! Ils n’ont pas changé ! Intimidé, ne sachant pas quoi dire il renouvelle ses compliments sur ses cheveux. Tu as de très beaux cheveux Marie leur couleur est ravissante. Thomas confus rougit de nouveau, détourne la tête.
- Marie… Il entend son père ( tu m’as fais de beaux enfants Manou, ils sont beaux comme des anges ) machinalement il glisse ses doigts sur son front, sur les délicates pommettes, les glissent sur les narines puis la bouche ourlée, superbe, les joues légèrement creusées, le menton accusé. Le mouvement bruyant de la rue, les autobus bondés qui passent, s’arrêtent il est mal à l’aise, dégingandé à l’arrêt de l’autobus, dans un soupir qui en dit long sur son problème, il regarde autour.
Ils sont étrangers, le frère et la sœur doivent faire connaissance.
- Les parents ?
- Maman s’ennuie de toi : le père absent... son métier de routier
Dans le métro après un coude à coude pour se frayer un passage Thomas s’enhardit regarde les jeunes filles souvent très jeunes, seules ou bien accompagnées d’amoureux, de copains, de copines, certaines lui jettent des coups d’œils hardis, furtifs, le frôlent, d’autres avec audace lui caressent la main, les yeux se troublent…
- Pardon
: Thomas rougit : il est nigaud, confus il tourne la tête d’un quart de tour. Les corps se touchent, il fait chaud, mal à l’aise il fixe Marie.
- Encore trois stations et nous y sommes. Ils sont si beaux le frère et la sœur si ressemblants qu’ils attirent l’attention. Sans trace d’orgueil, nulle trace ostentatoire, une tenue discrète, timide. Ils sont si merveilleusement beaux qu’on les croirait venus d’un autre monde..
En quelques pas Thomas a parcouru la pièce. .
- Tiens, voilà où tu vas dormir, c’est bon tu verras : tu as de la place dans l’armoire, regarde, tu t’arranges. Moi, je descends faire des achats en bas, j’en ai pour peu de temps. Ah! J’oubliais, voilà la clef de l’appartement fais y attention, et aussi mon numéro de portable. Tu m’appelles si tu as un problème. Prends une douche Thomas : c’est bon ?
- Oui.
Planté dans la pièce Thomas ne sait quoi faire de son corps, le cœur gros, une impression d’emprisonnement, un sentiment d’abandon une inquiétude d’être seul, là, dans ce une pièce. Planté devant la fenêtre, devant lui des blocs, et encore des blocs… quelques pas dans la pièce Thomas se sent étriqué, il étouffe, retourne à la fenêtre, cherche, se penche encore et encore, des blocs et encore des blocs, devant ce décor inhabituel avec mélancolie Thomas pense à ses mouettes, à la mer, les horizons lointains... En face des pigeons virevoltent, il les suit du regard : peut être faudrait il penser à vider son sac, il est sans énergie, et maintenant il faut expliquer à Marie qu’il veut être pécheur. C’est si impensable pour eux ! Il ne faiblira pas tant être pécheur est sa substance même. Quoiqu’on puisse lui dire ou penser aucun argument ne saura le détourner de cette voie, c’est inscrit depuis toujours dans sa vie. Thomas réalise soudain qu’il va falloir s’expliquer, agacé, énervé il range ses affaires. Il à de la peine à respirer, étranger aux subtiles attentions de sa sœur. Il respire profondément le petit courant d’air, regarde les photos posées sur une étagère tout surpris. Cela lui semble bizarre, il saisit une photo qu’il approche de ses yeux pour mieux la voir, ému devant le beau petit garçon devant sa sœur, son père, sa mère, attendri il ne voit pas le temps passer, des souvenirs devant ces personnes qu’il reconnaît à peine, incrédule il découvre ses parents, sa sœur et un petit bambin, lui. Attendri, la photo dans la main, c’est si loin ! Il a de la peine à se reconnaître, à reconnaître sa sœur, ses parents ! Emu, il s’assoit la photo dans sa main, fatigué, perdu dans ses pensées il n’entend pas Théo entrer.
- Alors Thomas ! Une vive accolade, quelques tapes amicales, comment ça va vieux.;
C’est un choc : il est vrai que quelques mois ont transformé Thomas ! Le changement est bouleversant. Thomas dépasse Théo maintenant. Théo réprime une gêne devant ce beau jeune homme, ils se saluent à nouveaux avec une accolade amicale et virile, recommence un : comment ça va ? Puis le silence. Maladroits ils ne savent pas comment enchaîner.
- Toutes mes félicitations Thomas, tu as réussi ton bac avec mention, c’est bien. Thomas retrouve Théo comme il l’a toujours connu pas très causant, mais avec plus de sérieux, moins de spontanéité, une retenue dans les gestes, les mots. Ils ne savent pas comment faire, ils sont gauches. C’est une épreuve pour Théo : les retrouvailles sont pas faciles, il aimerait bien que Marie soit là.
- Tu t’es inscrit dans une école ?
- Non, mais je sais ce que je veux faire ; je ne veux pas m’inscrire dans une école. Je veux être pêcheur sans passer par une école. J’arrête les études. Le brave Théo est abasourdi, mais ne le fait pas paraître : ça colle si peu avec le personnage !
- Tu connais le travail ? C’est vrai ! C’est une belle aventure. J’ai lu des livres sur la vie des pêcheurs. Leur vie est difficile mais passionnante. Tu ne crains pas la dureté du travail ?
- Non, tout le monde m’en parle, mon ami Paul me rabâche les mêmes choses. Maintenant les bateaux ne sont plus les mêmes !
- Marie est au courant ?
- Non.
- Tes parents ?
- Non plus ; Je crains de les blesser, ils sont de la dernière mode tu sais, pour eux être pécheur c’est aller à une mort certaine. Tu comprends bien, la vie d’un pêcheur est différente de ce qu’elle était ! Théo le brave à de la difficulté devant le beau jeune homme qu’est Thomas à l’imaginer pêcheur. Avec l’aide de Marie il sera convaincant mais pour le moment il reste prudent. Il lui aurait dit astronaute qu’il n’aurait pas été beaucoup plus surpris. Il aime trop Thomas pour le contrarier, et puis sa nature est si peu contrariante, après tout, pêcheur : c’est le vent, la tempête, les grosses vagues, les embruns, un horizon lointain où on voit à perte de vue, où le ciel rejoint la mer, où les couchers de soleil ne sont jamais pareils, où les bateaux se balancent sur les vagues... Les relations sont solides entre les hommes, solidaires, toujours prêts à secourir l’autre, enfin une harmonie entre la nature et l’homme, puis en fin de journée la pêche que les hommes hissent sur le bateau de leurs bras robustes, puissants, la journée rude a oxygéné les poumons, endolori les corps, une bonne fatigue, saine, c'est ça être pécheur pour Théo, aussi ne veut il surtout pas contrarier son ami.
- C’est ton choix, je le respecte.
- Ecoute, il y a des petits ports près de Marseille, je m’y aventure pour voir les bateaux, et là je vois des pêcheurs qui m’ont adopté, leurs histoires me passionnent m’envoient là où je veux aller. Je ne suis pas fait pour les études. Mon père ne sera pas d’accord , mais moi c’est mon job tu comprends ! Il y a partout du danger où tu es ! Même chez toi ! Ma mère n’a pas à se faire de soucis, les bateaux sont différents maintenant ! Tu me comprends Théo.
- Ne te fais pas de soucis, nous en parlerons avec Marie.
- J’ai un ami à Paris, très bien, en vacances chez ses grands-parents, regarde j’ai compulsé ce guide dans le train il m’a beaucoup appris sur Paris, ce qui m’ennuie c’est que je n’arrive pas à mettre le plan dans ma tête, tu vois les sites historiques sont indiqués là, regarde, j’ai étudié dans le train, j’en connais pas mal.
Ils ont retrouvé la bonne camaraderie de leur enfance.
- Je trouve Marie de plus en plus belle, tu es un chanceux Théo. Théo baisse la tête, silencieux. Il lève un regard inquiet, soupire, se lève ému. Il préfère changer de conversation. Thomas attend une réponse de Théo, mais elle ne vient pas : il s’est engagé dans une voie délicate, inquiet, maladroit il ne sait pas comment se rattraper
- Comment tu trouves ici ?
- Bien, ça me paraît bien pour Paris.
- Tu veux prendre quelque chose Thomas ? Excuse moi, je suis un hôte déplorable. Tu me troubles, tu étais pour moi un petit garçon, et en quelques mois tu t’es transformé. Thomas sourit.
- Non merci. Il l’interroge sur son travail, le félicite sur sa bonne forme.
Á bout d’argumentations Théo et Thomas sont silencieux.
- Marie ne doit pas tarder à arriver. Je suis.. comment t’expliquer…je ne trouve pas les mots tellement c’est étrange. Marie et toi vous vous ressemblez.... j’en suis stupéfait, c’est ahurissant !
- C’est un honneur pour moi, elle est si belle.