Ils se retrouvent le frère et la sœur, pleins d’histoires en commun, de rappel de souvenirs qui renaissent, d’un court passé coloré de richesses d’enfance, d’adolescence si proches !
Théo se lève péniblement, dans un effort il tente de se joindre à eux, aucun endroit où aller s’isoler.
- Théo viens t’asseoir tu parais mécontent !
- Je vais faire un tour en bas , ça passe pas la pizza, je l’ai sur l’estomac.
- Bon tu marches un peu ça passera.
Marie sérieuse les mains sur le volant jette des regards furtifs sur son frère : lorsqu’elle conduit sa voiture, attentive elle ne parle pas. La voiture garée elle prend son frère par le bras.
- Je dois te parler absolument . Ce que je vais te dire va te paraître étrange, mais écoute moi bien. Théo impressionné par Marie, curieux, ne désire qu’en savoir davantage, il se penche pour mieux l’entendre.
- Bon.
- Tu ne le croiras pas Thomas, Théo et moi sommes comme qui dirait « envoûtés » il y a un phénomène qui se passe dans notre vie , ici, où nous sommes, dans la grande surface, c’est incompréhensible. Figure toi tous les vendredis nous rencontrons régulièrement une jeune fille à peu près de nos ages. Nous nous regardons puis, rien, il n’y a rien Thomas : tu t’imaginais quoi… ? Il n’y a rien, nous nous regardons, c’est tout, retiens bien il n’y a rien, rien, et voilà plusieurs semaines que c’est ainsi, tous les vendredis à la même heure caisse 16 et caisse 17, tu as bien compris ?
- A tes caisses il y a une fille que tu vois.
- Voilà. C’est pas à mes caisses, à la caisse 17 tu as compris. Et moi je suis caisse 16 C’est comme s'il y avait un accord entre nous de se retrouver à heure fixe, à la même caisse, le même jour.
- Et alors…
Thomas commence à s’intéresser .
- Comment t’expliquer, c’est si étrange, si inconcevable. Si je t’amène c’est pour faire un teste, imagine un rendez-vous qui serait programmé comme ça et elle claque des doigts, pim pam c’est le jour on y va. Est-ce que tu me comprends ?
- Continue.
Le pauvre Thomas comprend à moitié.
Nous vivons un tourment Théo et moi tu ne peux pas savoir, tu sais comme je suis sensible, Eh ! Bien maintenant j’ai peur, je crains que nous soyons entrain de nous suicider volontairement. Thomas est abasourdi et inquiet devant le visage grave de sa sœur qu’il prend très au sérieux. .
- Qu’est-ce que je peux faire pour toi Marie.
- Viens, on va dans la galerie marchande, il y a des cafés nous pourrons parler. Ah ! J’aimerais tant que tu comprennes. Allez dépêche toi j’ai des courses à faire. La douce et fragile Marie attrape son frère par le bras l’entraîne à toute allure. Thomas inquiet et perturbé ne comprend rien. il est plein de bonne volonté pour aider sa sœur à sortir de ce drame
Attablés dans une brasserie de la grande surface deux silhouettes parmi les autres en bordure de l’allée marchande.
La tranquille Marie emportée par un flot de paroles accompagnées de gestes théâtraux subjugue Thomas qui l’écoute sans broncher impatient de la suite étonné de découvrir une sœur qu’il ne connaît pas.
- Tu vas me rendre un service. Après lui avoir expliqué qu’à la caisse 17 il y a une jeune femme au regard perçant, aux cheveux noirs : Marie partie dans des détails et dans des descriptions très compliquées attire l’attention de son frère qui l’écoute bouche bé. Je n’arrive pas à comprendre, on a le sentiment que ses yeux ne te voient pas, pourtant tu les sens te pénétrer, elle est ailleurs, elle voit autre chose, je suis très impressionnée, paniquée ; j’aimerais tant la connaître lui parler.
- Tu lui souris, puis ça se fera tout seul.
- Je ne peux pas c’est impossible. Ce que je cherche c’est comment elle va réagir en nous voyant peut être alors je comprendrai ! Viens, maintenant nous faisons les courses.
Dans les allées aux multiples rayons elle entraîne Thomas qui voudrait regarder les téléviseurs, les appareils de photos numériques, les écrans d’ordinateurs, les imprimantes etc.… toutes les dernières nouveautés, il voudrait tout voir, mais Marie impatiente le bouscule, lui rappelle qu’il faut se dépêcher, avec une inquiétude grandissante il suit sa sœur docilement, pris d’une anxiété que sa sœur lui communique il essaie de comprendre. Bon, je vais l’écouter et faire ce qu’elle me dit, mon rôle après tout est très simple, être là, regarder cette personne, puis lui donner mon impression.
- C’est phénoménal, je suis sidéré par tous ces articles, mes yeux n’arrivent pas à tout voir, Marie acquiesce, puis elle jette sur sa montre un coup d’œil un autre dans son caddie rassurée elle entraîne Thomas vers les caisses. Thomas avec peine traîne derrière Marie qu’il suit docilement comme on suivrait un guide avec son oriflamme au bout d’un bâton, elle se tourne vers son frère : (n’a-t-elle pas fait une gaffe de l’amener ? Sa belle assurance fond à vu d’œil ) Installés dans leur file Marie cherche la jeune femme. Après s’être tournée dans tous les sens elle la trouve appuyée contre un rayon les yeux fixés sur eux.
Christie a un choc, médusée ses yeux vont de l’un à l’autre et encore de l’un à l’autre, elle doit maîtriser ses émotions, sidérée, la gorge serrée elle les regarde de nouveau. Il y a une telle ressemblance entre ce jeune homme et cette jeune fille qu’elle a compris de suite, quelle déception, tant de vendredis, tant de semaines d’attentes impatientes, d’émotions, de joies qui fondent en quelques secondes. Elle ne peut cacher sa déception. Malgré ses lugubres sensations elle se remet à espérer, se tourne carrément vers eux : ils sont si beaux si jeunes…Elle a compris en cet instant de façon absolu que c’est le couple qui l’intéresse qui la trouble. Il manque quelque chose à ce tableau. Christie est dans une situation inédite, elle doit se rendre à l’évidence : c’est le couple qui l’émeut, maintenant elle en a la certitude. Thomas regarde autour de lui, ses yeux s’arrêtent un instant sur Marie qui lui fait signe, avec audace il plonge ses yeux dans les yeux de la jeune femme. Christie gênée baisse les yeux : autour l’immense espace coloré. Thomas est pris d’une grande tristesse, il pense à ses calanques, à sa mère, à Mathieu le pêcheur, à son ami Paul, son ami Derrick, puis retrouve sa bonne humeur à la pensée de voir son ami Derrick .
Les articles dans le caddie, à grands pas ils vont vers la sortie.
- Alors comment tu la trouves ?
- Pendant un long moment Thomas réfléchit ne voulant pas faire de bêtises. Marie s’énerve une lueur d’impatience dans les yeux.
- Je ne sais pas.
- Mais enfin tu as bien une idée tout de même : une lueur d’énervement dans les yeux de Marie « ce qui est inhabituel chez elle
- Eh bien ! je la trouve bien.
- C’est tout ?
Thomas regarde sa soeur de nouveau mais inexpert il gigote : Marie le pousse du coude, allons ne fais pas l’idiot.
- Tu veux que je te dise elle est très belle voilà mon opinion. Marie hausse les épaules. Que veux-tu que je te dise, elle est belle.
Dans soupir il chasse toutes ses pensées moroses pense à son ami Derrick : Maris veut lui faire ingurgiter des choses auxquelles il ne comprend rien. Marie obsédée par son problème lui répète inlassablement
- Comment tu la trouves ; Thomas doit mettre un moment pour réfléchir car il a déjà oublié. Avec effort il remet ses idées en place. Comment expliquer à sa sœur, que c’est une personne pas mal, et qu’il en a rien à faire.
- Je ne sais pas. Elle est très belle, elle a de beaux cheveux .
- C’est tout ?
- Et toi, comment tu la trouves ? Marie ne s’attendait pas à cette question, ennuyée elle balbutie quelques mots inaudibles. Thomas n’insiste pas.
- Ton ami vient ce soir ? A quelle heure ?
- Huit heures.
- C’est bon.
- Il doit m’amener dans un restaurant près du boulevard Saint Michel …
- Bien.
Dans la pièce assis autour de la table, Théo, Marie et Thomas sont silencieux, chacun a son histoire. Thomas s’empare de son baladeur, Théo lit son journal du soir, Marie tourne les pages de son catalogue puis se lève : ce silence est pesant : quelques bruits, une toux sèche, un craquement, un bruit de respiration, bruit de page qu’on tourne. Thomas étouffe il se lève va à la fenêtre rêve à ses calanques jette regard en soupirant sur les étoiles