Les ombres
Quelques ombres aperçues apparaissent disparaissent au coin d’une allée. Je vais, m’arrête afin de lire les épithètes, une pensée, un visage sur un médaillon, un abandon souvent ! Une émotion, un regret devant le délabrement d’une chapelle, certaines sont de vraies œuvres d’art. Je suis dans le cimetière de Bardine à Angoulème.
Depuis que j’ai ma connaissance je vais à la Toussaint sur la tombe de ma grand-mère que je n’ai pas eu le bonheur de connaître. Je me suis promenée petite d’abord accrochée à la main de ma mère, avec mon mari nous étions interpellés par l’architecture et le parfait alignement de ces tombes toutes pareilles, maintenant je suis seule. Je choisis le dimanche pour éviter les interminables camions « en nombre et en longueur » qui viennent d’Espagne.
Devant la tombe de ma grand-mère que je n’ai pas connue je trouve le doux contacte d’une grand-mère pour sa petite fille, et mon cœur s’emplit de riches pensées.
Mon mari était surpris par l’alignement parfait de ces petites chapelles toutes identiques en pierre et on avait l’impression d’être dans une exposition de chapelles, une sorte de musée. C’était un chantier pour les tailleurs de pierre ! Un métier courant à l’époque je pense, mais rare maintenant !
Je vais par les allées, quiète, le paisible environnement m’envoie vers un univers mystérieux, et je pense à tous les chagrins qu’ont généré les pertes de ces petits enfants de ces jeunes filles mortes souvent de tuberculose, les jeunes hommes mouraient sur le champ de bataille ! Tous les ans je vais sur la tombe de ma grand-mère que je n’ai pas connue je parcours les allées à la recherche du mystère que je n’arrive pas à percer : la mort. Dans le cimetière d’Angoulème où l’architecture des chapelles est si étrange pour célébrer le défunt, j’oublie devant la magnificence d’une tombe les défunts. J’essaie de me coller à la famille et de comprendre quelle tristesse et quelle consolation l’a amenée à exposer cette chapelle aux passants. Je suis désolée de les voir se détériorer, j’ai la consolation de savoir que la ville d’Angoulème les prend à sa charge.
Sur la tombe de ma grand-mère il y avait un arbre, un bel arbre, la tombe voisine en avait un aussi. Ils prenaient des dimensions telles qu’ils furent arrachés. J’ai regretté ces arbres, aussi beaucoup de tombes abandonnées sont remplacées ! Dommage !
Liliane Boyrie 2010-05-21