Une première fois
Une houle puissante m’avait envoyé au large avec la même intensité me renvoyait sur la rive, mon corps meurtri mes pensées anéanties je sentais mon corps se liquéfier mon cerveau se vider. Transformée en momie je voyais mon amie un doux sourire dessinait d’adorables fossettes, elle avait la délicatesse de s’effacer pour me faire exister un temps interminablement long on se regardait c’était une première fois.
Lucien était plongé dans son journal le Monde
Je n’avais aucune possibilité d’appréhender mon amie : la voir derrière une porte entrebâillée que j’ouvrirais refermerais rouvrirais avec précaution pour ne pas faire fuir l’idée et ainsi elle attraperait avec une adresse certaine quelques morceaux de moi et peut être son étonnante pensée de me rencontrer tant qu’il est encore temps aboutirait nos yeux lèveraient le voile se connaîtraient au travers de quelques mots anodins, la surprise suspendrait les mots étranglés dans nos gorges. C’était une pensée parmi d’autres que je savourais mais mon amie connaît mille ruses je ne pouvais espérer une égalité. Mes mots sont durs à sortir lorsque le terrain n’est pas à égalité un traumatisme certain s’ensuivrait, mes yeux compenseraient aisément, abusivement, effrontément, malignement, je les baisserais pour éviter un embarras je serais la plus handicapée à ce moment là.
Que penserait mon amie ? Quelle impression néfaste funeste aurait-elle de moi !
Je regardais Lucien.
- Les nouvelles sont bonnes ?
- Je regarde les spectacles à l’opéra Bastille.Ca te plairait d’aller voir un spectacle ?
- Tu sais bien : oui.
J’avais eu mon amie mon interlocutrice d’aujourd’hui de nouveau à nouveau, du présent du passé de l’avenir, j’hésitais à lui en parler je m’approchais.
- Tu sais la nouvelle Lucien ?
- Je vais la savoir.
Mes mots se coinçaient, impuissante devant sa logique je me taisais
- Non rien.
Liliane Boyrie 18/04/2011