23/07/12
Conte, je prends Fraise avec moi ; Cou, cou ! Monsieur où sommes-nous ? Délice fait signe à Fraise de se taire, le comte passe sans les voir, sa canne frappe le sol, raisonne dans les pièces ce qui amène Henri à tendre l’oreille, Rose s’arrête d’éplucher ses oignons. La canne repart, rebondit, met en joie Délice et Fraise : elles se glissent en catimini derrière lui, bondissent devant dans un rire joyeux.
Après s’être engagé pour aller vers la salle de réception en s’inclinant devant l’une, devant l’autre, sans se priver de papillonner de ses deux yeux il rebrousse chemin en prenant un air narquois, elles suivent gentiment ses fantaisie, puis, prenant goût au jeu pleinement amusé il s’écarte, envoie sa canne en l’air, la fait tourner l’envoie d’une main à l’autre et ainsi de suite sans la faire tomber devant le regard ahuri de Fraise qui n’en croit pas ses yeux
Devant son public avisé tout fier la pose.
- Monsieur le comte où avez-vous appris ?
- Nulle part. Délice est une magicienne qui m’envoie ces fantaisies. Allez, venez- vous asseoir, suivez-moi.
Délice et Fraise se prennent par le bras, le comte dans ce bain de jouvence retrouve ses vingt ans.
- Délice ma chère, vous avez été admirable, vous nous avez donné un bel exemple de civilité, nos hôtes ont apprécié ; Je suis agréablement surpris, et croyez, si j’ai eu quelques doutes, connaissant votre humilité, croyant que vous alliez vous retirer, eh ! Bien il n’en fut rien. Vous avez été tout simplement merveilleuse ; j’oserais, si j’ose, que vous continuiez à mettre en lumière votre savoir, vous avez été un chef d’orchestre qui avec sa baguette mène l’orchestre, vous l’avez fait sans outrepasser les convenances. Vous avez gagné la sympathie de Marguerite, mes félicitations : c’est une personne de bon goût. Eloi de Risquetou fut très à l’aise, il fut fier de vous. Quant à monsieur et madame Britte vous avez su les mettre en conversation, ce n’est pas facile croyez en mon expérience.
Fraise, vous avez ravi par votre jeu nos amis vous les avez envoyés dans un monde coloré lumineux.
- Monsieur le comte vous êtes trop bon.
La mine grave, le regarde lointain, une image lointaine… le comte soupire, prend les mains de Délice, de Fraise, avec un regard pénétrant qui va de l’une à l’autre et vice versa et ceci plusieurs fois il soupire hésite comme si le mot ne pouvait sortir, enfin il leur dit. Je suis ému, moi, le vieil homme au cœur endurci.
Délice et Fraise dégagent leurs mains, peu enclines à cette situation se taisent.
- Ne prenez pas à la lettre ce mot, il est plein d’évènements qui sont derrière moi qui reviennent de temps à autres, je les aperçois seulement, essaie de les mettre de côté, ils sont tragiques la plupart ; Vous avez sorti le vieil homme de ses incertitudes, ses doutes, c’est pour moi une renaissance que vous me donnez, là, ce soir avec vous je retrouve l’espoir. Ne soyez pas moroses. L’œil coquin il envoie sa canne qui tourbillonne dans les yeux de Délice et de Fraise.
Redressant son long corps pour se lever le comte s’excuse de les laisser car un travail urgent l’attend ; il salue Fraise lui demande de venir autant de fois qu’elle veut, il est honoré de ses amicales visites, puis s’incline de nouveau, les hésitations, le respect le font bredouiller s’empêtrer avec les mots enfin quelques mots intelligibles pour expliquer qu’il doit aller travailler. Il communique aux deux amies qu’elles peuvent passer la nuit ici, sinon le chauffeur les conduira chez elle.
Délice rappelle au comte qu’elle prendra le petit déjeuner avec lui demain éprouvant pour ces moments un grand plaisir gustatif qu’ils savourent ensemble. Le comte se retire vers son bureau haute silhouette appuyée sur sa canne.
Seules au milieu de cet apparat Délice et Fraise sans le comte se sentent abandonnées Fraise va retrouver sa harpe pince quelques notes au son agréable, Délice vente la beauté de la harpe qu’elle caresse de ses mains.
- Je reviendrai souvent Délice, j’ai ici, des émotions qui me poussent à créer, tous les deux vous m’accompagnez avec tant de gentillesse ! Appelle Henri qu’il fasse venir le chauffeur, c’est tard pour le métro. Wladimir m’attend, demain Je vais chez tante Irène, si tu veux nous irons faire du shopping.
Wladimir occupe un poste important il est patron d’une entreprise qui emploie trente- cinq salariés, il passe la majeure partie de son temps dans son bureau accompagné de son secrétaire ; Ses arrières grands parents originaires des steppes de Koulounda vivaient dans une petite ville Kokchetav, ils ont émigré lors de la révolution, ses parents eurent un seul enfant Wladimir Nietwitch. La langue russe fut perpétrée par ses ancêtres et la fréquentation de la communauté russe, si bien qu’il n’a pas appris les subtilités de la langue française.
Ce soir il est rentré tard il a pris son repas du soir chez Cyprien avec ses potes comme il dit ; Il attend patiemment Fraise en se décontractant devant la télévision ; Subjugué par le talent de Fraise, sa beauté, il jura devant le Seigneur Tout Puissant qu’elle sera la seule femme de sa vie, qu’il l’adorera, lui consacrera sa vie entière, c’est sur cette conviction profonde qu’il accueillit Fraise.
- Comment va, ma Fraise ?
Fraise connait bien son Wladimir, elle sait lui parler comme avec sa harpe.
- Plut Au Seigneur qu’Il m’ait donné tant de joie ce soir. Et toi ?
- Ce soir, je suis trépassé de rire ;
- Trépassé Wladimir !
- Oui, figure-toi, ton pote Jules Bredouille a été, comment te dire ! Très expressif il disait, je trépasse, je trépasse et il répétait ce mot que je ne connais pas, mais il disait je trépasse de rire, et tout le monde riait, je me suis mis à rire pour faire pareil. Il était renversé sur sa chaise les bras écartés, alors tous nous étions trépassés. Ils racontaient des histoires, tu vois : celles qu’on raconte entre hommes.
Il avait trop gouté au bon whisky de Cyprien, et, les autres aussi !
- Tous trépassaient ;
- Cyprien c’est une blague qu’ils avaient trouvé dans le whisky ; Trépasser veut dire mourir Cyprien, dans ton pays la France on dit : je meurs de rire ; Tu ne dois pas dire ce mot ! Imagine si tu dis ça à quelqu’un ! Ça lui fera froid dans le dos ! D’après ce que tu me dis, la soirée fut bruyante.
Wladimir tout contrit prend un air fautif pour se faire pardonner ses outrances.