30/01/2013
Détecté attendait le comte de Tourne, il se leva une première fois pour aller devant la carte du Monde accrochée au mur. Il donnait l’impression d’un porte manteau articulé avec au sommet sa tête tant son corps flottait dans ses vêtements. Il retourna s’asseoir puis après moultes réflexions il se leva une deuxième fois retrouva la carte du Monde, prit sa loupe qu’il approcha avec application guidé par son doigt qu’il glissa sur la bourgade de la lointaine Sibérie qu’il cherchait, puis l’éloigna et, ceci pendant plusieurs fois. Deux enjambées l’emmenèrent à son bureau, il regarda l’heure, il avait le temps, relu avec application ses feuilles les unes après les autres.
Il était dans ses pensées : c’était de bons clients...
Connu de la gente féminine pour ses exquises manières, des plus hauts dignitaires de Paris et d’autres capitales pour sa loyauté, de très hautes personnalités comme un homme charmant, une réputation sans failles, de l’aisance dans ses entreprises, d’une agréable compagnie, le prince avait l’éloge et l’admiration, tout le monde, tous de la même voix magnifiaient le prince.
Détecté bourré d’orgueil passait ses nuits à démêler les hasardeux renseignements qu’il récoltait après des pérégrinations, c’était un homme mesuré dans ses paroles, dans ses gestes. Il saisissait du bout des doigts tout objet à portée de main, et lorsqu’une inquiétude survenait il saisissait sa gomme mie de pain qu’il malaxait.
Il regardait d’un œil vague les passants sur les trottoirs, les vitrines. La question de Délice le préoccupait : avait-il bien répondu ? Cette question il se la posait souvent, la curiosité d’un voyeur ! La recherche d’émotion ! L’étude de mœurs ! L’intérêt que lui suscitaient les maisons de passe allié à l’esthétique était une habitude, une nécessité qui l’avait poussé à écrire. Ses yeux balayaient les murs de Paris, le temps donnait une note morne, un pigeon s’était enhardi à traverser la rue, Firmin donna un coup de frein, ses pensées sombrèrent, il ferma ses yeux.
Un vent frais cingla son visage Firmin la portière ouverte la referma sur le comte de Tourne de la Tournière près de l’immeuble de monsieur Détecté détective privé de son état.
Le comte soucieux dans le choix de sa canne particulièrement ce jours-là mit un soin particulier à la choisir, devant son placard il les contemplait, et chacune remontait vers quelques aventures oubliées. En cherchant il les faisait cliquer, un son particulier au bois de qualité. Il hésitait. Il appela son maître d’hôtel.
- Monsieur.
- J’ai besoin d’un conseil Henri, j’hésite entre la canne corne noire bois d’ébène, l’équerre et son motif cheval, ou celle-ci, un crochet sur bois précieux.
- Si je puis me permettre comte toutes sont d’un fort bon goût, cela va dépendre de l’usage que vous voulez en faire.
- Je vais voir un détective.
- Permettez, celle-ci me semble adaptée, celle avec la corne noire.
Le comte tapait sa canne dans le couloir Long d’une centaine de mètres, de chaque côté au coin des portes des têtes apparaissaient puis disparaissaient, il passait, frappait le sol de sa canne, au numéro cent quarante- trois il s’arrêta, frappa avec la corne de sa canne à peine l’eut-il posée la porte s’ouvrait.
Le comte salua. Détecté salua.
- Prenez la peine de venir vous asseoir, d’un bras qu’il n’arrivait pas à tirer davantage il lui indiqua le siège.
Le comte frappait avec sa canne, tendait l’oreille, refrappait, désarçonné, soupçonneux il regarda le sol, félicita le détective sur sa belle moquette, Détecté lui répondit qu’on lui avait fait la remarque déjà, et que bien qu’il soit inhabituel d’avoir ce genre de sol, il avait le calme, les bruits feutrés.
- Venons-en au fait comte.
- Oui, au fait.
Le comte sort de son attaché-case des feuilles, les pose devant Détecté qui lit consciencieusement.
- Vous avez fait du bon travail comte, il ferme puis ouvre son œil gauche, ce qui fait retourner le comte. Dans la suite logique où m’amène vos investigations, ze vois Wladivostok, là, il a fait un séjour de plusieurs jours, z’ai eu des nouvelles de lui à Dimiakon, le froid est intense là-bas ! Il n’est pas resté longtemps, il y fait un froid de loup, c’est sans intérêt ! La fourrure des rennes en Europe ! Vous indiquez en rouge Kotonka, tristement, un client s’est fait avalé par les ours affamés là-bas ! Non l’homme est trop avisé. Par contre il y a des mines de diamants à Abakan faut pousser nos investigations vers là, comte. L’histoire des ours… Votre avis ?
- Je rejoins vos suggestions.
- Ze crois comprendre que plusieurs personnes ont fait appel à mes services au sujet du prince Sergey ze comprends l’importance de trouver le prince, parmi, je lis mademoiselle Délice, votre fiancée ze crois ! Une superbe femme. Ze vous assure et plus ze suis convaincu moi, habitué aux tragédies ! Hélas ! Endurci ! Ze suis …Ze suis troublé par la tragédie de madame Délice. Croyez comte ze suis perturbé, il ferme son œil gauche deux fois, malaxe sa gomme dans tous les sens, veuillez excuser ce moment de faiblesse. Cette femme a une beauté qui a pénétré mon âme, z’ai lu dans ses yeux une incommensurable tristesse, ze vais faire l’impossible, ze suis navré, ze suis ennuyé ze suis inquiet que ce soit si lent, il va falloir de la patience, le détective Détecté n’a jamais échoué dans ses missions.
- Je n’en doute pas monsieur Détecté notamment, je souhaiterai réunir tous les protagonistes avec vous chez moi pour que nous fassions le point dans nos recherches.
Au sujet de mademoiselle Délice et du comte de Tourne de la Tournière, c’est une immense amitié, le comte a l’immense honneur d’être accompagné dans ses vieux jours par un cœur généreux, il adhère à ses souffrances même si elles ne sont pas toujours rationnelles.
Détecté rassemble ses feuilles les met en place, s’arrête sur une, la lit : monsieur de Risquetou, monsieur Nietwitch. Monsieur de Risquetou m’a paru inquiet, il secoue sa feuille monsieur Nietwitch, un homme exubérant, très sympathique.
- Oui, ce sont des amis fidèles, nous, nous réunirons le jour qui vous conviendra, il prend son carnet de rendez-vous, je suis entièrement à vous comte. Le comte sort son carnet puis se ravise, avant je dois contacter mes amis.
- Rassurez madame Délice.
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