cette histoire de couple le tracasse il réagit en haussant les épaules.
Un rayon opaque traverse la pièce. Tony sérieux devant son ordinateur glisse ses doigts sur le clavier termine un travail urgent qu’il doit faxer. Il est le type même du cadre moyen, mince, légèrement voûté, Tony et son ordinateur ne font qu’un. Méthodique, appliqué, concentré, Tony termine un travail. Il va ranger dans sa serviette des copies qu’il aura prêtes demain à son bureau. Satisfait il se frotte les mains cherche son portable. Il savoure les mots qu’il va échanger avec Christie. Le portable dans sa main il attend, fait semblant d’hésiter, cherche à se tromper, à se faire peur, Christie si étrange soit-elle ne l’inquiète pas. Elle l’attire : son désir est chaque fois intacte, son corps gracile et souple, délicat et fragile est une offrande qu’il savoure jamais rassasié : il retrouve ses courbes sa main glisse sur sa poitrine, son ventre .. Tony se ressaisit, vivement cherche son portable.
Tendrement il va lui redire les mots, les phrases tant de fois dites, il va lui dire son inquiétude devant ses absences prolongées, son envie d’être avec elle de respirer son parfum, la toucher, la caresser, mélancolique il tape les touches de son téléphone
- Allô ! Christie, que fais tu ?
- Ah ! Tony, c’est bon de t’entendre je suis dans une histoire : j’en ai deux en chantier : celle là s’appelle au bord du lac gelé.
- Tu me glaces, ton histoire me parait dramatique.
- Oui c’est dramatique mais elle se termine bien et quand tu me téléphones tout se dégèle tout reprend vie avec toi Tony. Tony est muet ; il toussote pour cacher son émotion puis à brûle pourpoint lui annonce qu’il vient à Paris le week-end prochain.
Un dernier coup d’œil devant sa glace, le menton relevé pour mettre son noeud de cravate en place. Un costume taillé dans un beau tweed souple légèrement brillant gris foncé met en valeur le jeu de ses muscles. Tony lisse une dernière fois ses cheveux prend sa montre, son porte document un dernier coup d’œil autour de lui pour voir si tout est en ordre s’assurer qu’il n’a rien oublié. Tony est prêt pour aller à sa soirée de bridge.
Voilà pourtant des mois et des mois… : il n’aura fallu qu’une seconde une toute petite seconde pour perturber la vie de Christie. Elle attendait son tour devant la caisse d’une grande surface, et comme d’habitude elle regardait autour d’elle, s’attardait devant un couple. Ils étaient là tous les deux si effacés qu’elle en fut pénétrée. Jamais elle n’avait connu une telle émotion. Ils semblaient si différents des autres ! Ils étaient si beaux que Christie en fut perturbée Une pensée fugitive traversa son esprit : on en ferait un roman de ces deux là.
Devant son bureau elle tiraille ses cheveux dans tous les sens, soupire profondément, pensive tâte son visage, machinalement prend son téléphone.
- Allô ? Manie.
- Christie ma chérie.
- Comment vas-tu Manie ?
- Quand tu m’appelles je suis la plus heureuse de la terre.
- Tu devrais t’occuper un peu plus de Maman et de tante Amandine.
- Tu déraisonnes elles n’ont aucunement besoin de moi.
- Alors, et moi ?
- Toi c’est différent tu es ma petite fille.
- Comment vas-tu Manie ?
- Ca fait deux fois que tu me le demandes, je suis en pleine forme.
- J’avais envie de te faire un petit coucou je te laisse bisou Manie.
- Mille bisous pour toi Christie, porte toi bien.
Hésitante, prête à poser son portable elle jette un regard à sa fenêtre. Réfléchissant. Elle va à sa fenêtre pour s’aérer, regarde sa montre : encore quelques minutes, en face la fenêtre va s’ouvrir. Elle hausse les épaules pousse un soupir.
- Allô Tony ?
- Oui Christie.
- J’ai une question à te poser mais je ne voudrais pas te déranger.
- Tu ne me déranges jamais Christie.
- Eh bien voilà : crois tu qu’en l’espace d’une fraction de seconde une vie peut changer.
- Attends, attends, laisse moi un temps de réflexion, bien sur une vie peut changer tragiquement.
- Explique.
- Si c’est un accident c’est tragique. Tu peux passer ta vie dans un fauteuil roulant. Tu peux avoir un coup de foudre pour quelqu’un : c’est le moindre des maux ! Tu t’imagines deux êtres qui s’emballent et qui se tuent ! Et la tragédie du couple de la grande surface ! Pourtant ils étaient à leur caisse, tranquilles, loin d’eux la pensée de déclencher dans un cerveau humain normal tant de tempête, imagine quelle tuile leur tombe dessus ! Voilà ma réponse à ta question. Christie est muette de stupéfaction et d’indignation, elle n’en croit pas ses oreilles : parler ainsi de ce couple de la grande surface.
- Je te remercie de tes explications. Mille bises à toi Tony à samedi..
- Un baiser à ma bien aimée Christie.
Une tuile, en voilà une idée : mais quelle idée ! Pourquoi une tuile. C’est un rendez que nous honorons tous les vendredis dans une grande surface, nous le recherchons, et nous l’aimons : mais quelle idée !
Christie est en pleine forme, appuyée contre sa fenêtre elle tente de mettre son nez dehors afin d’observer les cumulus, de respirer l’air matinal. La journée s’annonce belle. Aujourd’hui elle profite du beau temps pour aller se promener sur les berges de la Seine. : cette idée la réconforte et la rend toute joyeuse. Elle met ses chaussures, enfile son parka, prend son sac à dos dans lequel elle a mis quelques vivres, une bouteille d’eau. Avec entrain et énergie bien équipée elle va s’offrir une journée parisienne une ballade le long de la Seine, un régal. Dans l’autobus elle pense aux gens enfermés dans leurs bureaux pousse un soupire de compassion pour les gens qui bossent. « Elle oublie que sa vie a une similitude avec la taupe » : Aujourd’hui est une journée enrichissante et bienfaisante, un vagabondage… sans but avec pour fond de toile les monuments : elle erre dans Paris. A cette pensée avec délice elle respire l’air au plus profond de sa poitrine. Arrivée place Saint Michel elle descend de l’autobus et d’un pas alerte prend le passage des piétons puis descend les escaliers : une fois sur le bord de la Seine elle contemple radieuse les merveilles que lui offre Paris : l’activité de la Seine, les monuments de la rive opposée chargés d’histoire. C'est un jour de fête pour Christie. Elle gonfle sa poitrine émerveillée. Bien équipée pour une longue promenade, pleine d’entrain d’un pas vigoureux elle part appareil de photos en main. Les gens se croisent se sourient, sourires d’enchantement. Un calme, une paix, des bateaux, un mouvement lent sur la Seine quelques fois un haut parleur . Christie les deux mains calées sur les courroies de son sac avance d’un pas assuré entraînée par la beauté du cite. Elle s’arrête, regarde, porte fièrement sur ses frêles épaules toute la magnificence de l’héritage que lui ont laissé ses ancêtres. Orgueilleuse et conquérante elle assiste émerveillée, fière du travail accompli au cours des siècles. Après avoir pris plusieurs ponts, plusieurs quais, fait une longue ballade au bord de la Seine elle choisit la rive droite s’affale sur un banc. Allégée de son sac elle étire ses membres pousse un profond soupir de satisfaction en regardant le trafic sur la Seine.
De retour à Saint Michel, assise à la terrasse d’un café tente de récupérer des forces. Il y a tant de choses qui vous tombent dessus sans qu’on y puissent rien, pense Christie en regardant passer les gens. Fronçant le front pour ôter ces pensées noires avec son bon fond d’optimisme elle retrouve la forme. Pleine de sensations nouvelles elle sourit en pensant à Tony.