Ce que je veux
La tête renversée sur le banc Lucien près de moi depuis un moment lisait son journal Le Monde, mots ne se disaient une paisible ambiance où seuls quelques oiseaux picoraient par ci par là encouragés par notre immobilisme aussi bien verbale que physique : je ne sais si c’est la peur des chats je ne voyais depuis quelque temps que des merles des pigeons quelques fois un couple de pies : c’est temps ci elles ne venaient pas.
Lucien tourna la tête vers moi, j’avais mon carnet à la main, le moment était si bienfaisant que mon corps ne réagissait plus, seulement quelques pensées… j’essayais de les arrêter, une brise envoyait du bon air, je respirais ces bouffées d’air que J’avalais goulûment les yeux fermés, emplissais mes poumons, renouvelais cet exercice avec un infini plaisir. Je raisonnais calmement, clairement paisiblement. .
- Oui, Oui dans un murmure doux qui s’envolait dans le vent : je fais ce que je veux, je peux que l'écho renvoyait je peux, je veux.
- Qu’est ce que tu veux Christie ?
Je le regardais étonnée j’avais parlé à mon insu.
- Tu dis ?
- J’ai bien entendu : je fais ce que je veux. Pourquoi ?
J’avais parlé sans me rendre compte, des mots longtemps enfouis en moi avaient surgi à mon insu aussi fus-je sans réponse, piégée. Expliquer les inexplicables imprévisibles aventures de l’histoire de ma vie, bien encrées, bien enracinées de racines profondes m’était impossible, je ne savais
- Répète Lucien s’il te plait, c’était une forme d’imploration tant je savais que lire son journal dans le silence lui plaisait.
- Christie j’ai oublié. Continue ton histoire me dit Lucien avec son bon regard fidèle.
Je tapais sur mon carnet pour entrer.
- Est-il nécessaire Manie de faire tout ce ménage ! Maman ne va plus rien trouver ! Des reproches que je faisais quotidiennement à ma bonne Manie qu’elle prenait sans broncher.
- Tiens aide moi à mettre le fauteuil en place, bon, c’est bien.
J’étais allée me planter contre le mur. Depuis quelque temps je vivais dans une humeur massacrante, coléreuse, je boudais les conseils de ma grand-mère qu’elle distillait au compte goutte de peur de me chagriner. Près de la porte je cherchais la solitude. La colère envers mes parents bien aimés m’amenait à leur tourner le dos, mon méchant comportement donnait tant de peine à Manie que la honte me prenait toute entière, je baissais la tête pour me faire pardonner allait l’embrasser, une avare bise qui l’envoyait près des larmes tellement elle était heureuse !
Je voyais des chuchotements entre Manie et Hector, Manie et Nanette, Manie et tante Amandine et quelquefois tous réunis. Je faisais semblent de ne rien voir ; A leur grand contentement mon carnet de notes était bon, je travaillais mes devoirs, appliquée, tout le monde appréciait.
Manie était désorientée n’ayant pas anticipé toutes ces difficultés, c’est souvent le front froncé qu’elle me regardait, désarmée devant les changements de mon comportement chaque fois elle venait avec les yeux humides de larmes. Elle souffrait de ne plus trouver sa toute petite fille. Elle se pliait à toutes mes exigences en évitant les mots, les mots qui m’airaient blessé. Pour distancer les problèmes de mon adolescence, devant mon enfance perdue, ma chère, très chère Manie s’évertuait le mieux possible à me comprendre et pour éviter les maladresses qui étaient sensées me blesser se taisait, elle prenait un journal le feuilletait négligemment.
- Ca va Christie ?
- Oui Manie j’ai eu dix sur dix en dessin ;
Manie approuvait d’un signe de tête imperceptible accompagnée d’un battement d’yeux.
- Tu ne dis rien Manie ?
- Il faudra faire de toi un professeur de dessin.
- Tu crois ?
- Je suis sûre que tu sauras choisir ta voie Christie, je suis convaincue
- Merci Manie.
Liliane Boyrie 21/09/11