CHAPITRE 3
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Immobile, figée, la voix de Manie admonestant sa fille Nanette ! Ta fille t’en fera voir. Tu verras ! Donne lui une éducation où le travail est une loi fondamentale de la réussite dans la vie ; Tu devrais contrarier ses penchants. Regarde ! Elle sèche ses devoirs, n’en fait qu’à sa tête … Je la vois : griffonner …quoi… ! Qu’est ce qu’elle va faire mon Dieu ! Christie effondrée pousse un profond soupir, pensive elle se demande si Manie n’avait pas raison : Et Manie s’égosillait pour remettre les choses en place. : Christie s’est mise dans une situation inextricable. Elle voudrait mettre ce couple dans un contexte. Ce vendredi qui l’engage dans une voie obscure l’attire lui est nécessaire. Elle s’accroche à ce couple qui lui prend sa vie ses pensées : son travail en souffre : Elle part au fond d’un gouffre : Appuyée contre la fenêtre, en face des immeubles avec des balcons, des pots de fleurs, des fenêtres garnies de rideaux en dentelle, des volets entrouverts… elle tente d’échapper à son angoisse. Christie connaît ces angoisses, ce mystère qu’elle n’élucide pas qui la tourmente et colle à sa peau. En se frottant les épaules pour enlever son angoisse dans un murmure elle appelle Manie : Souvent lorsqu’elle est troublée elle entend Manie : son réconfort.
Christie dans ses moments de désarroi est secourue par son insouciance et son tempérament positif. Vingt cinq ans, jolie jeune femme, un port altier, une allure décidée, submergée par sa grande paresse, pour réagir elle travaille. Souvent Christie pense à Manie qui ne souhait que le bonheur de sa petite fille : c’était toute sa vie. Elle attend avec impatience le jour de sa visite ; ce jour là elle retrouvera les espiègleries qui désespéraient sa chère grand-mère lorsqu’elle était enfant, avec malice elle lui fera entrevoir une vie agitée… ! Pour enfin l’embrasser, la rassurer : Elle connaît les réactions de sa grand-mère, elle en joue et en tire une jouissance. Manie la regarde avec amour alors elle lui caresse les mains, lui fait son plus beau sourire,
- Cette enfant est hyper gâtée Nanette (diminutif de Jeanne) Toutes tes cajoleries ne la préparent pas à la vie, vois, comme elle se joue de nous, il y a de la malice dans elle. Nous l’aimons tous passionnément ! Trop Nanette ! : Elle est notre rayon de soleil, notre vie ! notre désespoir aussi hélas ! Un frère, une sœur arrangeraient tout. Excédée par les remontrances de Manie Nanette s’énerve sur le linge qu’elle plie, bien décidée à ne pas répondre connaissant d’avance les éclats de voix qui en résulterait. Et, dans ce monologue Manie témoin impuissant pousse un long soupir, va… priant… implorant inlassablement la protection de l’Etre Suprême sur ses êtres bien aimés. Les remarques pertinentes entre sa grand-mère et sa mère ne lui enlevaient nullement la confiance en elle. Manie, peut être à juste raison ! Essayait t-elle d’éclairer les yeux de sa fille, et Christie n’en perdait pas un mot : souvent, encore elle les entend toutes les deux, chacune cherchant à imposer sa volonté à l’autre. Leurs querelles raisonnent encore dans sa tête avec les mêmes éclats, la même clarté. : Manie faisait simplement remarquer à sa fille :
: Vois Nanette comme elle sait éluder les problèmes qui l’embêtent. C’est une sans souci!
Christie travaille de longues heures assise devant son bureau à écrire des romans. Son apparence est celle d’une jeune femme pleine d’allant : des cheveux noirs aux reflets roux, un visage aux traits réguliers, des yeux brillants « bien trop au gré de sa grand-mère » un peu coquins, sympathique à sa manière elle plaît. Pensive, avec un soupire emprunt de mélancolie elle va faire un thé qu’elle s’applique à boire lentement. Se réveillant de sa méditation elle s’installe devant son bureau, appliquée elle ne voit pas le temps passer. Un bruit la fait sursauter, la fait réagir : il est cinq heures. Elle cherche dans son sac les clefs de sa voiture, énervée. Devant elle une marée de voitures : le parking de la grande surface. Christie tente de chercher une place le plus près possible de l’entrée principale, vainement. Après avoir tourné plusieurs fois, une place se libère enfin dans l’allée cinq. Elle cherche dans son sac un jeton où habituellement elle le met, en maugréant le cherche dans sa poche, le trouve. Avec allégresse elle pousse son chariot vers l’entrée.
Devant ce déballage de marchandises où les allées se croisent et s’entrecroisent Christie passe, tranquille, curieuse. Dans l’immensité de ce complexe commercial elle trouve quantités d’idées pour ses romans. La main dans sa poche pour tâter son calepin « son fidèle compagnon qui la suit partout » rassurée, émue à l’idée de revoir ce couple elle se dépêche. Au milieu de tous les rayons Christie malgré les difficultés caddy en main se fraye un passage allègrement : toute son énergie retrouvée là. La grande surface lui apporte ce dont elle a besoin, les couleurs, le bruit, le mouvement. C’est son domaine la grande surface, son attraction. Elle va où bon lui semble, regarde les articles sans acheter, passe son temps... Quelques difficultés, quelques encombrements péniblement elle avance, voudrait faire demi- tour, c’est difficile. Caddie contre caddie, impossible, l’allée est obstruée. Christie avec patience s’amuse à dénouer le nœud de caddies autour d’elle, quelques mots… et tout s’arrange. Les grands magasins avec leurs rayons multicolores, les rêves qu’ils engendrent, les risques, les envies, les désirs de toutes sortes qu’ils provoquent attirent Christie.
L’allée est bouchée par un caddie : une dame est occupée à chercher son article.
- Madame s’il vous plait ?
Christie pousse son caddie, se faufile, se meut avec la facilité qui la caractérise dans ces moments là. La grande surface est une thérapie : elle arrive fatiguée, morose : le bruit, l’agitation autour d’elle l’obligent à suivre un rythme, la libère de ses soucis, la décontracte. Doucement tout se remet en place son entrain revient. C’est sa remise en forme, une ouverture vers le monde. Hardiment Christie passe devant les rayons d’habits, s’arrête, hésite, puis part en furetant ailleurs. Elle va, s’éloigne, se perd, dubitative s’arrête pour réfléchir à sa direction. De tous les côtés ça bouge, c’est ce qu’elle aime. Entourée d’un monde disparate, contrasté, séduite par les étalages aux marchandises bien alignées qui l’attirent, les couleurs bien ordonnées de fruits et de légumes elle soupire de n’avoir rien à acheter. « Car mijoter pour elle seule ne l’emballe pas » Elle achète tout préparé ce qui la prive de choisir le plus beau des légumes. Elle aime regarder les rayons colorés. Elle regarde les gens choisir en étirant leurs bras, soupeser, tourner, palper le fruit, têtes levées regarder les étiquettes, puis enfin rapidement mettre dans leur caddie. …Christie aime fureter, observer autour d’elle. Cela fait plusieurs fois qu’elle regarde sa montre. Préoccupée par le couple elle est allée sans trop savoir dans les rayons espérant le voir sans ce rendre compte que ce couple qu’elle avait remarqué aurait été d'un pur hasard de le croiser dans ce dédale de rayons. Elle doit remettre son trajet en tête, car dans cette spirale qui l’amène à sa caisse 17 elle doit
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